« Putain Norah, j'étudie, là » que je lance à la blonde qui pose ses mains glaciales dasn mon cou, glissant dans le col de mon chandail pour venir les poser sur mes épaules. Je frissonne, y'a pas moyen qu'elle soit chaude, ne serait-ce qu'une fois. Je lève les yeux de mon livre, penche ma tête vers l'arrière et sent ses lèvres qui se pressent contre les miennes dans la seconde qui suit. Inconsciemment, je souris contre sa bouche, m'accrochant à celle-ci le plus longtemps que je peux pour finalement ouvrir les yeux, amusé, quoique toujours furieux qu'encore une fois, Norah Rosier ne veut absolument rien savoir de me laisser étudier « Tu m'as manqué aussi ». On est en sixième année, je suis le bouffon de Gryffondor, celui qui fait rire à pleurer, mais celui qui se prend la tête contre la majorité des Vert et Argent, elle y compris. Norah, ambitieuse, maligne, rusée, démarche féline, charmeuse et envoûtante. Elle pose ses fesses sur le comptoir, attrape mon parchemin, non sans me faire grimacer, alors que je me lève pour poser mes mains sur ses cuisses et croisant son regard « Rend moi ça Rosier ». Elle rigole en plus « Potions? T'a déjà eu O aux BUSE, ça te suffit pas? ». Je lève les yeux au ciel en me retenant de lui faire remarquer qu'elle a la même chose, partout même, si j'me rappelle bien. Je chope mon travail et l'envoie balader dans mon sac, croisant mes bras sur mon torse, les yeux rivés dans ceux malicieux de ma petite-amie « Tu voulais quelque chose, non? Ça sent la vipère vapeur ». À son tour de grimacer qu'elle s'approche, me recule dans le rayon le plus proche. Je la laisse faire, ça m'amuse de la voir comme ça, impériale majesté. Elle prend mes mains et les pose sur ses fesses, se calant contre moi, me laissant prendre possession d'ses lèvres avant de mordre doucement le bout de ma langue « Je crois que l'on veut la même chose, AJ ». La Bibliothèque? Bon, d'accord, un brin insolent, mais c'est pas comme si, de toutes les occasions, c'était vraiment la pire. Je crois que le Serpent en elle lui fait adorer ce genre de trucs crades. Et moi? Bah moi je suis un mec, alors bon, je suis toujours partant...

« ME REGARDE SURTOUT PAS COMME ÇA ANDERSON-JAMES FORCE ». Son ton qui se veut froid est trahi par son incompréhension, son impuissance, et la putain de trouille qui la laisse carrément perplexe. Je peux pas l'approcher, elle veut même pas que j'pose mes doigts sur sa joue, ni même que je la prenne dans mes bras. Je suis vachement pas sentimental, mais avec Norah, j'ai presque l'impression de l'être trop, quoique, là, maintenant, c'est différent. Trois reprises, trois tests, tous positifs. On est dans la Salle de Bain des Préfets - allez savoir comment elle a eu le mot de passe - et on est tous les deux en panique. Fin sixième année, dernier droit avant les vacances d'été. Ça fait deux ans que je supporte son tempérament bouillant, ses sautes d'humeur, ses crises de jalousie, tout, absolument tout, mais ça fait trois mois que c'est pire que pire. Voilà pourquoi : Norah est enceinte. C'est surréaliste, c'est tellement insensé que j'ai mis des secondes, non, des minutes avant de vraiment y croire. Il a fallu une gifle pour me faire réagir. Ça fait une heure qu'on est ici à discuter, à se perdre dans un silence tendu, lourd, inconfortable, et chaque fois que je veux glisser un mot, ça l'agace. Par Merlin, ce qu'elle peut être chiante quand elle veut « Tu comptes faire quoi ? J'veux dire, moi, j'suis... ». Elle m'interrompt, agacé, sa lèvre en sang à force de la mordre « J'veux pas que tu dises que tu vas être là quoi que je fasse, j'veux pas, je VEUX PAS que ça arrive. Tout ça, c'est des conneries, ça peut pas, pas moi, putain, pas moi, c'est pas possible... ». Elle tremble, sa voix n'est plus qu'un soupir quand je m'approche et la serre dans mes bras, la retenant de force, alors qu'elle se débat comme une forcenée jusqu'à ne plus avoir de souffle et qu'elle éclate. Sans ses grands airs, j'me rappelle - bouffée d'air frais - pourquoi je l'aime et que j'ferais tout pour la rendre heureuse, quitte à mettre de côté la quiétude et l'irresponsabilité, même que... non. Je rêve, elle voudra jamais, elle? Non, puisqu'elle passe avant tout le reste, y'a aucun gosse qui pourra déranger ce qui était écrit dans les Astres. J'sais, mais j'veux pas m'admettre qu'elle pourrait... elle pourrait très bien... merde « Fais pas d'connerie, on va en reparler, on va aviser ensemble, d'accord? C'pas comme si on pouvait pas a... ». Norah presse ses lèvres contre les miennes, ravale un sanglot, se blottie dans mes bras. J'étais loin de savoir que son plan était déjà mis en exécution et qu'au final, c'était un regain de conscience qui l'avait forcé à me confier qu'elle était tombé enceinte. Loin de croire que la fois dans les Salles de bain des Préfets serait la dernière, loin de croire que ce serait par un hibou que je recevrais de ses nouvelles, de sa visite à Ste-Mangouste pour... nan, j'veux même pas y penser. Elle est partie, partie loin d'moi, loin de ce que j'évoquais pour elle. Où? Je ne sais pas, tout ce que je sais, c'est que j'ai jamais été le putain de même après...

Je sais ce que ça signifie d'avoir pris possession de ce bijou, même si j'veux pas admettre que si j'veux garder Rikke pour moi jusqu'à la fin de mes jours, va falloir que je la lui passe impérativement. Huit ans, huit fois trois cent soixante cinq jours que je me réveille auprès de la blonde - ouais, j'ai nettement un faible pour les demoiselles aux cheveux pâles. Rikke, ça a été ma bouffée d'air frais, ma façon de me reconstruire doucement, même si on est loin d'être de tout repos, moi, surtout. J'ai tout gardé de mon côté Gryffondoresque, j'aime encore faire des conneries - immaturité, quand tu nous tiens! - je suis orgueilleux, énormément faible, fougueux, particulièrement impatient en plus d'être impulsif. Je gère ma classe de classe à la fois d'une main de fer et avec une flexibilité troublante. Il y a des jours où je les gave avec mon caractère de merde, d'autres où je les laisse s'amuser avec leur chaudron pour créer des souvenirs impérissables avec ce que l'imaginaire peut créer dans une salle de classe. Je crois que je me suis légèrement assagi, mais c'est peu visible pour ceux qui n'ont pas eu la chance de me connaître durant ma scolarité. Je marche dans les Couloirs, remontant des Cachots pour aller profiter de la lumière, jouant dans les poches de ma robe de sorcier à ouvrir et refermer la petite boîte de velour qui contient la bague de mariage de ma grand-mère, un trésor, parce que celle-ci était mariée à un Sang Pur qui a renié les conventions pour épouser une Sang-Mêlé. Eh ouais, exactement comme dans les extraits savons de Sorcière-Hebdo, mais ce n'est pas le passé qui m'intéresse, c'est le présent, c'est le futur, c'est notre future à Rikke et à moi. Rien qu'à y penser, je fige, en plein milieu du couloir, presqu'arrivé dans son bureau. Je m'arrête, reprend mon souffle, passe la main dans mes cheveux. J'entends une salutation, je redresse la tête, cherchant d'où provient la voix, cesse mon incessant tic avec la minuscule boîte. Je finis par toquer à la porte, regardant Rikke lire des parchemins, des centimètres et des centimètres noircis à l'encre verte de ses étudiants de BUSE. Je marche dans sa direction, elle ne relève toujours pas la tête. Il faut que je pose mes paumes sur son bureau pour qu'elle daigne relever la tête, ce qui me rappelle soudain qu'on a pas du se laisser en bon terme ce matin « Tu comptes me bouder longtemps encore, tu crois? ». Son regard glisse dans le mien, son menton atterit dans sa paume, elle me jauge du regard. Je mord l'intérieur de ma joue, j'ai horreur de la voir faire ça, elle me rappelle tellement Norah dans ces moments-là que ça me suffoque « J'ai pas réfléchi à ça ». Je soupire, contourne le meuble, passe ma main dans son cou, me penche pour poser mes lèvres sur sa tempe. Je la sens tressaillir, je sais qu'à chaque fois, à chaque instant où j'entre en contact avec son épiderme, Rikke est mienne de nouveau. Mienne pour toujours, si j'lui file cette bague, un jour « À quoi tu as réfléchi alors ». Elle détourne la tête, sérieuse tout d'un coup « Tu sais, Alayna... ». Je ravale un commentaire péniblement. Je sais que Rikke l'adore, mais sa manie de tout commenter, toujours avoir raison sur tout, ça me rebute, ça m'dérange. Malheureusement, mon changement d'expression ne passe pas inaperçu aux yeux de ma fiancée « Putain AJ, tu pourrais être au moins foutu de faire semblant de respecter ma copine, non? ». Ça, c'est le bouquet. Je cesse soudain de penser à la bague, aux fiançailles, à sa copine, à nous, que je laisse tout mon être exaspéré et las parler à travers mes lèvres « Je pourrais l'inviter à diner avec nous, partager notre lit aussi, le triolisme, ce serait le pied, non? ». Je recule, légèrement énervé. Ça risque d'empirer, parce que Rikke aussi atteint son paroxysme tandis qu'elle se redresse, furieuse « T'es con, bordel ce que t'es con. Les premières années sont moins gamins qu'tu peux l'être, le trois-quart du temps ». J'me détourne, la regarde, outré « Marrant ça, tu devrais entendre ce que les septièmes disent de madame Torgeis dans le mien, ça te détromperait sur c'que c'est, la maturité ». Je sais que je pousse trop loin, je sais même pas pourquoi j'fais ça, j'sais pas, chaque fois que j'voudrais être sérieux, de faire un truc de bien, ça foire lamentablement. J'me rends compte qu'on recommence encore, comme trop souvent. J'ouvre la bouche, fais un pas vers elle « Merde, j'suis désolé, vraiment... ». Ça ne l'apaise pas, ça ne l'apaise plus, et depuis longtemps j'crois « Explique-moi pourquoi j'suis encore ta fiancée AJ, moi, la raison, j'la cherche de plus en plus ». Ouch, ça fait mal ça. J'entrouvre les lèvres, part pour dire quelque chose, me retient « J'ai du travail à faire, tu bouges, ou t'es venu pour quelque chose en particulier? ». Oui, te demander en mariage, mais encore une fois, tentative avortée. On se reprendra...