MAISON DES RIDGEWAY

Maman venait de rentrer à la maison et, honnêtement, elle n'avait pas l'air de bonne humeur. Elle revenait du tribunal. On jugeait celui qui avait tué papa aujourd'hui, quatre ans après les faits. Je n'osais pas lui demander ce que cet homme avait récolté. J'avais peur. Peur qu'ils aient laissé cet individu en liberté. Il ne la méritait pas. Tout ce que je lui souhaitais, c'était de pourrir en prison. Il avait pris plusieurs vie lors de cette fusillade. Il ne méritait que la prison. Rien d'autre. Maman s'assit sur le fauteuil, en face de grand-mère et moi. Ma grand-mère avait l'air d'être dans le même état que moi, à se demander ce qu'il s'était passé. Maman a du voir que l'on se posait des questions, puisqu'elle daigna enfin ouvrir la bouche. « Innocenté. Pas assez de preuves soi-disant. » Pas assez de preuves ?! C'était une blague ? Il y en avait à la pelle des preuves. Des témoins oculaires aussi. Leur discours n'était peut-être pas assez convainquant, c'est ça ? Moi, jamais je n'aurais laissé un homme comme celui-là dehors. Et s'il recommençait ? La justice n'était vraiment plus la même ; aujourd'hui, il est tellement facile de passer entre les mailles. Il faudrait remédier à ça. Plus tard, je serais avocate. Une avocate qui défendrait la justice, qui ne perdrait jamais l'une de ses affaires. Oui. C'est ça, que je voulais faire plus tard. Pour honorer la mémoire de moi père, à qui l'on avait pas défendu comme il le fallait. Son honneur bafoué. Le criminel en liberté. Moi, ça ne m'arrivera pas. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour défendre les victimes. J'étudierais le droit et je deviendrais avocate.

ÉCOLE PRIMAIRE

Un soupir s'échappa de mes lèvres. Qu'est-ce que je pouvais m'ennuyer à l'école... J'avais l'impression de tout savoir, de n'avoir rien à faire ici. Tout était bien trop facile pour moi. Mes professeurs avaient mainte et mainte fois demandé à maman de me laisser sauter une classe, mais elle avait refusé, prétextant que cela me perturberait de me retrouver au milieu d'enfant plus vieux que moi. Tu parles ! Ca m'aurait arrangé tout de même. C'était bien gentil, mais il y avait certaines personnes que je n'arrivais pas à supporter dans ma classe. Vous savez, ceux qui ne sont là que pour vous chercher des noises. Et bien, j'avais un groupe de ce genre dans ma classe - en primaire déjà, oui. « Encore un vingt, Ridgeway ? Ton père va être si... ah non pardon, tu n'en as pas ! » Je levais les yeux vers elle et lui adressait un sourire on ne peut plus hypocrite. Célia. Mademoiselle « mes parents ont de l'argent et m'achètent tout ce que je veux. » Une de ces filles issus de la haute société, le genre à ne pas pouvoir se taire plus de deux secondes, toujours obligée de rabaisser les autres avec sa langue de vipère. Habituellement, j'étais plus tôt calme mais cette fille avait le don de m'énerver. Surtout lorsqu'elle touchait la corde sensible, mon père. Tu ne perds rien pour attendre, Hopkins. Va brûler en enfer ! On ne s'était jamais vraiment entendues ; j'étais dans le genre franche, toujours à dire le fond de sa pensée et c'est le genre de truc que beaucoup n'aimaient pas. Dont Célia justement. Mais honnêtement, je n'en avais rien à faire. Les filles dans son genre ne m'intéressaient pas - déjà à cet âge là. Je détestais ce genre de personne. Et Célia qui ne cessait de me faire des remarques sur la mort de mon père. Je commençais à en avoir assez. Il fallait que cela cesse. « Oh mon dieu, Célia tu... tu brûles ! » En effet, sous mes yeux le dos de la demoiselle avait pris feu. J'écarquillais les yeux. Que s'était-il passé ? Comment son pull avait-il pu s'enflammer ? Ce n'était pas comme si quelqu'un avait approché une allumette; il ne s'était rien passé. Rien. Excepté le fait que j'ai souhaité l'envoyer brûler en enfer. Et si c'était ma faute ?

RESTAURANT FAMILIAL

« Il m'est arrivé quelque chose de bizarre aujourd'hui. Le pull d'une fille s'est enflammé. Tout seul. Comme par magie. » Lorsque l'école était finie, je partais directement pour Princess Street, où ma mère et ma grand-mère tenaient un petit restaurant. J'aidais souvent, malgré mon âge. Je m'occupais de passer les commandes. Maman me disait toujours que les clients m'adoraient. J'étais sociable, souriante. Sérieuse dans le travail. Ils lui disaient qu'elle avait de la chance d'avoir une fille serviable comme moi. Bref. Lorsque j'ai annoncé ce qu'il s'était passé à ma mère, elle me sourit tendrement : « Ma chérie... La magie n'existe pas. » « Mais maman, je l'ai souhaité ! J'avais envie qu'elle brûle en enfer et son pull s'est enflammé ! » Mais elle ne voulu rien entendre. Certes, c'était un phénomène étrange, mais de là à parler de magie... Elle n'y croyait pas une seule seconde. La sorcellerie, ça n'existait pas voyons. J'étais tombée sur la tête. J'ai fini par m'en convaincre moi-même : cela avait été un hasard. Je n'étais pas fautive. Et la magie, ça n'existait que dans les livres.

MAISON DES RIDGEWAY

J'avais reçu une lettre. Étrange, puisqu'on m'en envoyait rarement. Je me demander ce qu'elle contenait. Je n'osais pas l'ouvrir. Il y avait un sceau étrange sur l'enveloppe. Un sceau que je n'avais encore jamais vu. Ce ne fut qu'après quelques minutes d'observation que je me décidais à l'ouvrir. Ce que j'y lu me laissa sans voix. L'école de sorcellerie Poudlard m'ouvrait ses portes. Je n'étais pas folle alors, j'étais vraiment une sorcière ! C'était moi qui avait mis le feu au pull de Célia. C'était à cause de mes pouvoirs -bon, j'avoue que je n'aurais pas regretté la faire périr dans les flammes. Maman non plus n'y croyait pas ses yeux ; elle pensait qu'il s'agissait d'un canular. Et puis, grand-mère y a mis son grain de sel. Elle semblait y croire. Elle était persuadée que la magie existait. Je crois que c'est elle qui a convaincu maman de me laisser partir. Sans elle, j'aurais été vouée à vivre une vie de Moldue complètement banale, sans rien d'intéressant à vivre au quotidien.

POUDLARD

« Et vous vous croyez intelligents ?! Vous n'avez vraiment rien dans le crâne. » « Tu perds rien pour attendre, sale Sang-de-Bourbe ! » « C'est ça. Cause toujours, tu m'amuses. » C'était devenue une habitude pour elle. De défendre ceux qui avaient des problèmes. Il fallait dire que cette école était pleine de préjugés envers les élèves... C'en était affligeant. Cette fois encore, c'était Nathanaël qu'elle avait défendu contre ses agresseurs. « Ca va ? » « Fous-moi la paix, Ridgeway. » Un soupire s'échappa de mes lèvres. Par Merlin, ce garçon pouvait vraiment se montrer agaçant ! J'essayais simplement de l'aider. Il se sentait mal dans sa peau, cela se voyait. Je l'avais longtemps observé en cours ou durant les pauses. Il n'était jugé par les autres qu'à cause de son nom. C'était un Weasley. On l'accusait de « défendre les Moldus », comme tous les membres de sa famille. Ce qui n'était pas très bien vu à l'époque. Et je voyais qu'il en souffrait, qu'il ne se sentait jamais vraiment bien. Alors, j'allais sans cesse lui parler. Peut-être que je l'énervais. C'était même probable. Pourtant, j'avais envie de l'aider. Mais il restait distant, il ne voulait rien entendre. « C'est Thelma. Arrête de m'appeler par mon nom de famille. » Et puis il fallait dire que Nathanaël était plutôt mignon. En fait, je crois que, d'une certaine manière, j'ai toujours été plus ou moins attirée par lui. C'est sans doute pour cela qu'une fille habituellement distante comme moi allait « harceler » quelqu'un. Oui, sans doute.
Au fait, je vous ai dit ? Lors de mon entrée à Poudlard, j'ai été envoyée à Gryffondor, la maison des courageux dit-on. J'arborai fièrement les couleurs rouge et or au sein de l'école ; le choixpeau m'avait dit que j'aurais également pu être envoyé à Serdaigle, mais Gryffondor me correspondait mieux selon lui. Il me prêtait des caractéristiques que le fondateur appréciait chez les sorciers : le courage, la détermination. Effectivement, ça faisait partie de moi. J'étais même une vraie tête brûlée ; toujours en train de me jeter la tête la première dans les ennuis. Mais mon plus gros défaut était ma franchise : je disais ce que je pensais et cela ne plaisait pas à tout le monde.
« Thelma, lâche-moi. Arrête d'essayer de faire ami-amie avec moi. » Je haussais les épaules. D'accord, j'arrêtai. Pour aujourd'hui seulement. Car je voulais lui montrer qu'il n'était pas seul, que tout le monde ne le jugeait pas seulement à cause de son nom. Moi la première. Plus que tout je voulais l'aider. Et j'étais décidée à le faire. Je ne reviendrais pas en arrière.

POUDLARD

J'avais appris. Pour la mort du meilleur ami à Nathanaël. Tué par des Grindelmonks, il parait. Tué par les nés-moldus, par les sangs-de-bourbe, comme ils disent si fièrement. Par des gens comme moi. Je me sentais mal pour ce qu'il lui arrivait. J'étais persuadée qu'il se sentait mal, qu'il n'arriverait pas à s'en remettre tout seul. Alors je l'avais cherché. Et je l'avais trouvé. « Nathanaël, tu veux en parler ? » Une grimace. Non apparemment, il ne voulait pas en parler. Pourtant, j'étais persuadée que c'était ce qu'il devait faire. « Tu sais, je... » « Dégages. Je n'ai pas envie de te parler. » J'écarquillais les yeux. Il avait beau m'envoyer balader la plupart du temps, cette fois, c'était différent. Elle le sentait, dans sa voix. Dans sa façon de parler. « Tu... » « C'est toi qui l'a tué, Ridgeway. Ramsey est mort par ta faute, alors arrête ton cinéma ! » Cette fois, j'allais vraiment m'énerver. Je fronçais les sourcils et respirait profondément, espérant me calmer. « Ce n'est pas moi ! Je... » « Ca suffit ! Va retrouver tes Sangs-de-Bourbe ! » La claque parti toute seule. Comment pouvait-il me dire cela ? Je n'étais aucunement responsable de la mort de son ami. Ma poitrine me faisait mal. J'avais mal de l'entendre me dire cela. Pourquoi ? Pourquoi m'énervait-il autant ? Pourquoi me reprochait-il des trucs dont je n'étais pas responsable ? Nathanaël Weasley. Pourquoi me rendait-il folle à ce point-là ? « Vas te faire foutre ! » Ce mec n'était qu'un idiot. Un idiot fini. Un idiot qui ne valait pas la peine que je m'intéresse à lui.

POUDLARD

« Heureusement que tu ne fréquentes plus Weasley, Thelma. » Intriguée, je me levais et m'assit sur mon lit. C'était mardi matin et nous étions encore en train de nous préparer dans ce qui nous servait de salle commune. Pourquoi me parler de lui maintenant ? Cela devait faire plusieurs mois que je ne lui parlais plus. Et puis, je ne l'avais jamais « fréquenté » ce garçon à proprement dit. Voyant mon regard intrigué, elle poursuivit : « T'étais pas au courant ? Il est avec les conservateurs maintenant. Il est devenu ton ennemi. » C'était une blague, non ? Il ne pouvait pas être dans ce camp. Pourquoi avait-il fait ça ? J'avais décidé d'aller lui poser moi-même la question, brisant ainsi le silence qui nous unissant depuis la dispute. Rien. Aucune réponse. C'était comme si je n'étais pas là. Autant parler à un mur, je me sentirais moins stupide. Il ne voulait rien entendre. Il était persuadé d'avoir choisi le bon camp. S'il savait à quel point il se trompait...

POUDLARD

« Tu vas arrêter tout de suite, sale Sang-de-Bourbe ! Tes petites révolutions ne te mèneront à rien. Tu n'as aucun pouvoir ici, tu comprends ? Aucun. » Ces fichus conservateurs. Toujours en train de me chercher des noises. Je ne fais que crier haut et fort mon avis, leur faire comprendre qu'il sont en tort. Pourquoi devrions-nous être mis à part, être considérés comme des rebus de la société à cause de nos origines ? Qui se soucient réellement de la valeur du sang de nos jours ? Ah oui c'est vrai : le Ministère lui-même - ceux qui ont le pouvoir sont décidément pas bien dans leur tête. Ah mais maintenant que j'y pense, c'est sûrement pour ça que je me suis attiré leurs foudres : parce que je critique sans cesse le Ministère. Oui, sans doute. Il paraît que ça va mal finir pour moi ; ils me le répètent sans cesse en pensant réussir à me faire peur. Peine perdu les gars, je suis une ancienne Gryffondor au cas où vous l'auriez oublié. « Ose encore critiquer le Ministre et on s'occupe personnellement de ton cas ! » Qu'est-ce que je vous disais... L'un d'entre eux pointait sa baguette sur moi. « Elle mériterait tout de même un petit sort, vous ne pensez pas ? » Les autres approuvèrent et le garçon s'approcha de moi. Je fermais les yeux. Mon coeur se mit à battre à tout rompre. Pourquoi fallait-il toujours que je me mette dans des situations pareilles ? Ma grande bouche peut-être. Fichue franchise. Fichue révolutionnaire ; appelez-moi Che Guevara. Il n'étais plus qu'à quelques centimètres de moi, sa baguette appuyée contre ma poitrine. « Qu'est-ce que vous faites-là ? » Ils tournèrent la tête, moi avec eux. Il était là. Nathanaël. Je dois avouer que - pour la première fois depuis longtemps - j'étais heureuse de le voir. « Mêles-toi de tes affaires, Weasley. » Je ne sais plus exactement ce qui s'est passé ensuite. Tout ce dont je me souviens, c'est que Nathanaël avait réussi à faire fuir mes agresseurs. Pour une fois, les rôles s'étaient inversés. Ce n'était plus moi qui était venue à son secours. Lorsqu'ils furent partie, je m'avançais vers le jeune homme. « Pourquoi tu es intervenu ? » « Tu devrais suivre leurs conseils, Thelma. Ca ne va t'apporter que des ennuis. » Il n'avait pas répondu à ma question. Il était parti. Mais il n'était peut-être pas aussi idiot que ce que je pensais. Il était perdu, détruit. C'était encore un enfant qui ne savait pas ce qu'il faisait. Un enfant dont le coeur hurlait pour qu'on l'aide. Et j'allais l'aider. Quoi qu'il dise. Malgré nos différences. C'était un sang-pur, il faisait partie des conservateurs, mais je savais qu'il n'était pas comme les autres. Nathanaël était différent. Il avait juste besoin que quelqu'un lui ouvre les yeux.