La cuillère tournait lentement, décrivant des cercles identiques dans le thé bouillant que contenait la tasse en porcelaine. Délicatement, de fines mains blanches se saisirent du contenant et le portèrent doucement aux lèvres de la jeune femme assise à son bureau. Elle ne bougeait pas, ne parlait pas comme si elle avait peur de perturber le calme installé dans la salle de cours. Les bureaux étaient vides, les élèves probablement dans leurs dortoirs tandis qu’elle, Euphemia, préférait rester éveillée encore un peu. Ses yeux d’un bleu azur se posèrent indifféremment sur la fenêtre au fond de la salle. Il faisait nuit, la lune n’était pas pleine et le parc semblait désert, quoi de plus normal. Rien ni personne ne semblait perturber l’ordre établi des choses et c’en était presque déstabilisant pour la jeune Oxenbrigg. Les soirées passées à Poudlard se ressemblaient toutes et cela depuis maintenant cinq ans. Chaque soir, Euphemia se tenait à son bureau, buvant son thé avec sérénité, observant la salle de classe comme surveillant un devoir. Néanmoins, cette année, ce rite perpétuel se retrouvait cassé, comme si on cherchait à priver la blonde d’une routine, cette routine qui parfois repose, soulage après une journée épuisante. Oui, elle était exténuée ce soir-là. Elle aurait pu se réfugier dans son lit et dormir à poings fermés jusqu’au lendemain matin mais elle ne pouvait pas. On l’attendait quelque part de pied ferme, on avait besoin d’elle. Mais pourquoi y aller ? Ne serait-ce pas mieux de rester là, de se faire attendre ou même de couper court à toute activité nocturne pour le moins suspecte ? Non, bien sûr que non. Euphemia ne pouvait se permettre de faire une tel geste…Il connaissait tellement de choses déroutantes à son sujet, tellement de choses qui pouvaient défaire son avenir rien qu’en un claquement de doigts…Alors, la jeune femme devait y aller sans rechigner, même si tout ça devenait pour le moins terrifiant, répugnant. Jamais, ô grand jamais elle n’aurait du fournir une réponse aussi approfondie à ses premières questions. Mais d’un autre côté, il pouvait se montrer tellement agréable que parfois, les réponses sortaient naturellement, comme si Euphemia ne pouvait rien y faire, comme si, au fond, elle aimait en parler bien que ce fut le contraire, soyons clair. Lorsque la pendule afficha enfin dix-heures et demie, Euphemia se leva lentement de son fauteuil et prit sa baguette magique disposée non loin de là. Il était temps d’y aller, songea-t-elle.
La jeune femme ne mit que quelques minutes pour parvenir au cachot habituel. Elle se retournait sans arrêt, guettait un instant les éventuels bruits suspects et finalement repartait. Lorsqu’elle entra dans la pièce, Euhpemia fut surprise de constater qu’il était vide. Personne à part quelques bureaux miteux ne semblait occuper cet endroit. Un instant, la jeune femme s’arrêta net et souffla un bref « Incendio » qui lui permit d'allumer les torches ornant les murs et de créer ainsi un faible éclairage, parfait pour ce genre de « soirée ». Et puis, dans un soupir à fendre l’air, elle se mit à parcourir lentement la pièce de long en large et finit par sortir une cigarette de sa poche. Ah, les cigarettes moldues. Elles représentaient la seule chose qu’Euphemia aimait dans ce monde. Une bouffée de ce poison et elle se sentait mieux, respirait calmement, apaisait ses doutes, ses craintes. Après tout, ce n’était pas si terrible que ça, n’est-ce pas ? Au fond, ces cours privés lui permettaient de traiter de choses inédites, de choses qu’elle n’enseigne jamais en temps normal, n’est-ce pas ? Et puis, de toute façon, personne ne serait au courant. Il devait garder le secret. Alors, expirant une énième bouffée de fumée, Euphemia ferma les yeux un bref instant, écoutant les moindres bruits résonnant dans le sous-sol. Des bruits de pas se firent sentir puis un bruit de porte. La jeune femme ouvrit soudainement les yeux et, fixant son élève d’un regard inquisiteur, elle expira à nouveau une bouffée. « En retard. Tu es en retard. », dit-elle d'un ton froid et détaché. L’anglaise tentait de se donner un air supérieur mais elle savait pertinemment que c’était lui qui contrôlait la situation, pas elle. « Sois à l'heure la prochaine fois, ça m'évitera d'attendre. » Mais bien évidemment, elle prononça cette phrase d'une voix douce, contrastant avec ses premières paroles et montrant une fois de plus sa faiblesse. C'est bien malheureux pour quelqu'un qui se veut supérieur aux autres.