L'Allée des Embrumes... beaucoup de personnes qu'elle connaissait passaient dans cette grande rue commerçante les yeux baissés, filant entre les enseignes pour acheter ce qu'ils désiraient sans s'attarder. Milandra, elle, était littéralement inspirée par l'endroit. Ça avait été comme ça depuis la première fois qu'elle y avait mis les pieds accompagnée de son père, Damon Goyle, des années auparavant, elle avait toujours... aimé cette ambiance, cette magie qui les envahissaient s'ils se laissaient porter. La magie noire, bien sûr ; le sujet n'avait jamais été tabou à la maison, et récemment même Poudlard y avait dédié une classe. Milandra prenait, elle, la chose très au sérieux, et il fallait avouer qu'elle savait très bien se défendre dans son domaine. Après tout, elle avait le pedigree : tout le monde savait que les Goyle avaient prouvé par le passé n'être pas adeptes de la tendresse et de la discussion, et la jeune femme en était une parfaite illustration. Seulement, ils étaient également qualifiés comme de bons soldats mais sûrement pas de bons penseurs ; c'était ce qui révoltait Mila, elle qui avait hérité de l'érudition de sa mère, une grande et fine sang-pur venue des pays de l'Est et promise depuis toujours à son père. Les deux femmes n'étaient pas particulièrement bavardes avec les autres mais, ensemble, elles pouvaient avoir de longues discussions ; pas de celles qu'auraient généralement une mère et une fille, Mila ne demandait jamais d'où venait exactement sa mère et cette dernière n'avait sûrement pas grand chose à faire des déboires de sa fille à Poudlard, non, elles préféraient de loin parler de magie noire, et ça pouvait durer pendant des heures ! De ce qu'elle savait, sa mère avait étudié à Durmstrang et c'était elle qui lui avait donné ses premiers cours. Son père, lui, était à très vulgairement parler le porte-monnaie de la maison. A l'apparence bourrue et la voix forte, il n'était en réalité pas plus dangereux qu'une chocogrenouille et quand on savait l'amadouer comme Mila l'avait appris avec les années, il savait être "le meilleur papa du monde".
Remontant la fameuse allée, Milandra pressa le pas pour rejoindre la demeure familiale. Elle avait beau avoir obtenu son propre appartement, sa présence était réquisitionnée au moins deux semaines pendant les vacances, "par tradition". Qu'elles se mettent des balais dans le cul, les traditions, hein, parce que Mila avait des choses beaucoup plus intéressantes pour occuper son samedi soir ; les vacances d'été touchaient à leur fin et elle avait l'impression de ne pas avoir vu Bella depuis une éternité, elle était la seule personne capable de lui manquer et il fallait qu'elle joue à la sans-hibou pendant deux semaines ! Enfin... Elle savait qu'au moment où elle la reverrait, elle ne lui en tiendrait plus rigueur, c'était juste ainsi qu'elles marchaient. En attendant, c'était son petit frère qu'elle avait devant elle et qui venait de lui ouvrir la porte, les yeux brillants. Il ne reçut en retour qu'un regard désabusé.
« Quoi, tu m'as rien ramené ? » demanda-t-il, soudain profondément déçu. Milandra leva les yeux au ciel.
« Pourquoi, c'est ton anniversaire ou un truc du genre ? T'as gagné quelque chose ? Wow, ce serait une première ! » répliqua-t-elle en le détournant pour monter poser son sac dans sa chambre. Marcus n'abandonna pas.
« Non mais, enfin, t'as dit que t'allais faire des achats dans l'Allée des Embrumes et j'ai pensé - » Milandra, qui traversait désormais le couloir du premier étage, fronça les sourcils et, en se retournant, provoqua le silence chez son cadet.
« Est-ce que... je t'ai déjà offert quelque chose, en dehors des bibelots que les parents me forçaient à t'acheter quand t'étais gosse ? » demanda-t-elle, faussement intéressée. Marcus parut surprit par sa question et il lui fallut un moment avant de nier en secouant la tête.
« Je vois pas pourquoi ça devrait changer aujourd'hui. » termina-t-elle alors en haussant les épaules avant d'atteindre sa chambre sans plus un regard pour son frère. Elle savait parfaitement que son attitude envers lui pouvait être catégorisée de
cruelle, mais elle ne connaissait que ça. A vrai dire, ils avaient eu de bonnes relations jusqu'à ce que le petit entre à Poudlard. Maintenant, c'était à peine si elle le saluait quand elle le croisait dans un couloir et, lorsqu'elle l'interpellait dans la salle commune, c'était la majorité du temps pour lui faire parvenir des messages de ses parents. Marcus... il n'était pas comme elle. C'était un Goyle, un vrai, il n'avait pas cette petite touche, qu'elle aimait appeler discernement et dignité, qui le différenciait de son père ou de tous les autres sorciers de bas-étage. Si tous ses ancêtres avaient eu la même attitude que lui, pas étonnant qu'on les catégorise de famille de seconde zone. Son comportement l'insupportait et, compte tenu qu'ils étaient de la même famille, elle s'évertuait à avoir le moins de contacts possibles avec lui. Une fois, sa mère lui avait demandé pourquoi elle était si dure avec Marcus. D'abord, Milandra avait répondu qu'elle était dure avec à peu près 80% des personnes qui croisaient son chemin ; finalement, elle avait prétexté qu'il n'était juste pas assez
intéressant pour elle. Sa mère avait fini par abandonner en lui disant que de toute façon, jamais personne n'était assez intéressant pour elle.
Oui, bon, elle était difficile, et alors ? C'était comme ça qu'on atteignait et obtenait le meilleur, et c'était bien le but qu'elle tentait d'achever. Et bien sûr, ça s'appliquait à tout et dans toutes les circonstances, d'un examen ou du dernier garçon dans sa ligne de mire. Mila était égoïste et n'avait pas besoin de le revendiquer pour que ce soit évident. Elle était loin d'être le genre de fille à se plaindre pour un oui ou pour un non ; elle voulait quelque chose ? alors elle l'obtenait, et elle savait être particulièrement têtue et redoublante d'imagination pour arriver à ses fins. Manipulatrice, charmeuse, elle s'improvisait actrice pour obtenir ce qu'elle désirait et n'avait aucun scrupule à utiliser les autres pour y parvenir. Après tout, il fallait bien qu'ils servent à quelque chose, il n'y en avait que très peu qui valaient le détour. Elle avait un concept de l'amitié très particulier, qu'elle ne mettait d'ailleurs sûrement en pratique qu'avec sa meilleure amie, et en dehors de ce cercle... ça venait et ça repartait sans que Mila n'y accorde plus d'attention que ça. Elle était changeante, de toute façon, même dans son comportement, tellement qu'elle ne savait parfois plus vraiment qui elle était ; parce que certains avaient beau la qualifier de "méchante", elle était loin de se considérer ainsi. Elle avait juste ses priorités, et côtoyer des gens qui partageaient ses idées n'avait pas aidé à rabaisser ses ambitions et son égo. Le fait de passer du temps loin de ses parents avait également accentué son sentiment de supériorité. Si elle était particulièrement bonne en cours, elle était une véritable calamité niveau comportement et le règlement était plus là pour faire poster qu'autre chose, lui attirant des ennuis dès ses premières années. Mais Mila s'en foutait parce qu'à vrai dire, elle adorait s'amuser. Bon, elle avait sa propre définition du mot, mais même ; tant que ça en valait la peine, qu'elle passait du bon temps, et Merlin savait qu'elle en avait déjà eu pas mal, elle acceptait les conséquences d'avoir outrepassé quelques règles.
*
Des invités pour le dîner avaient refait la soirée de Milandra. Dans sa courte robe d'un vert profond, elle était à la fois provocante et classe, au juste titre de son nom. Elle avait accueilli avec un malicieux sourire la venue d'un couple d'amis de ses parents et de leur fils, qui travaillait déjà au ministère de la magie. Les deux s'étaient vus périodiquement grandir, partageant des jeux enfantins les deux fois par an où leurs parents se réunissaient. Au début, Mila devait lui faire la conversation, mais Leo n'avait pas du tout les mêmes opinions qu'elle. Il s'appelait tout seul un "esprit libre", défendait les né-moldus avec véhémence alors que Mila n'avait même plus besoin d'argumenter pour les traiter d'abominations. Cependant, ils réussissaient à s'entendre sur d'autres points et, il fallait l'admettre, Leo avait de quoi suivre une conversation de haut-degré et la jeune fille y trouvait un certain intérêt.
« Je sais pourquoi tu es comme ça, Mila. » lui avait-il lâché en fin de soirée, alors qu'ils se promenaient dans les jardins de la demeure des Goyle.
« Comme quoi ? » avait répliqué l'intéressée en fronçant légèrement les sourcils.
« Solitaire. » Le mot avait claqué dans l'esprit de la jeune femme mais elle ne lui avait pas laissé le temps de le remarquer.
« Euh, pardon ? Je suis pas solitaire. Et même si je l'étais, je vois pas trop où se situe le problème. » répondit-elle en accélérant le pas, clairement énervée. C'était ça, aussi, de traîner avec un gars qui s'improvisait psychologue et qui en pinçait pour les moldus, ça finissait toujours mal. Et Leo ne semblait pas décidé à en rester là avec son argumentation.
« Tu penses que tout le monde te sous-estime, du coup tu veux leur prouver qu'ils ont tort, mais tu es incapable de leur faire confiance. » Mila s'arrêta et secoua la tête.
« Tu racontes n'importe quoi. » « Pourtant c'est évident. Tu te dis que c'est tout pour ta peau parce que de toute façon, les autres ne veulent pas de toi. Et tu passes ton temps à les manipuler et à en faire tes joujous parce que tu te dis que s'ils te voient vraiment, s'ils découvrent vraiment ce que tu es, avec tes défauts et tes qualités qui doivent bien se cacher quelque part, alors ils te rabaisseront autant que l'ont été tes parents et tes grands-parents avant eux. » La jeune fille avait l'impression que même le jardin s'était arrêté pour l'écouter.
« Et c'est pour ça que tu es tout le temps collée avec cette fille, Bellatrix, parce que c'est la seule qui sache qui tu es et qui te garde quand même. » Quelle plaie, d'avoir des parents qui révélaient toute votre vie entre deux bouchées de poulet sauce au poivre !
« Et je pense aussi que cette relation t'a influencée. Je t'ai connue plus gentille, ne serais-ce qu'avec ton frère, tu l'as démoli pendant toute la soirée, et c'est à peine si tu as une petite soeur. » Ah, elle avait une petite soeur ? Mila ne le laissa pas continuer.
« Écoutes, je sais pas vraiment ce que tu cherches à faire là, je pensais qu'on allait juste s'envoyer en l'air derrière le saule comme l'été dernier, mais comme tu veux. » écourta-t-elle en faisant demi-tour. Après quelques pas, elle se retourna.
« Je vois pas vraiment ce que tu as à dire sur mes relations avec les autres, surtout que tu n'entends que ce que mes parents et mon idiot de frère te racontent. Tu n'as pas la moindre idée de qui je suis. » Quelques minutes plus tard, en rentrant dans sa chambre, elle s'était déjà calmée. Elle retira sa robe à l'aide de sa baguette, la balança dans un coin - son elfe en prendrait soin pour elle - et fit venir à elle son pyjama : dès que la magie pouvait l'aider à faire moins d'efforts, elle n'hésitait pas. Finalement, elle s'installa sur son lit et attrapa, dans sa table de nuit, un bout de papier et une plume, griffonnant quelques lignes.
Bella,
bien ton été ? Le mien fut désastreux ;
rattrapons-nous, achats pré-poudlard toutes les deux ?
Bien à toi, Milie.
Son hibou grand-duc était, comme toujours, fièrement perché sur le rebord de sa fenêtre et il fut parfaitement docile lorsqu'elle enroula sa missive autour de sa patte.
« Trouve-moi donc cette déserteuse de Bellatrix. » murmura-t-elle en caressant brièvement le haut du crâne de l'animal, qui recevait plus d'attention de la part de sa maîtresse que tous les membres de Grindelmonk réunis.
Ah, Poudlard. A vrai dire, Milandra avait hâte d'y retourner. Bien qu'infesté de sangs-de-bourbe, l'endroit abritait également un foyer qui la supportait depuis dix ans. Et puis, il y avait Bella... et Asher, qu'elle s'était mise en tête d'avoir et qui était devenu comme une sorte d'obsession chronique, de plan à long terme qui surpassait ses manigances habituelles. Et puis, étrangement, Poudlard était pour elle synonyme de liberté ; elle se doutait que sa vie ne serait pas aussi facile lorsqu'elle aurait quitté l'établissement, surtout avec le nouveau Ministre et les tensions qui montaient au sein même de la population. Cependant, elle ne rechignerait pas son rôle si elle devait le jouer, elle était même presque sûre qu'elle pourrait trouver son propre amusement une fois dans l'action.
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Je t'en prie, tu as fait un super perso et je voulais m'inscrire donc, merci à toi 
