Spring 2005, Worcester surburbs.

« Hey Jacky, tu me passes du sinaasappelsap ? »
« Du quoi ? »
« Du jus d’orange, banane ! »
« Tu commences à me gonfler avec ton néerlandais, tu sais ? »
« Au moins, j’apprends quelque chose qui me servira dans la vie ! »

Jack poussa un long soupir, lourd de signification. Sa sœur l’étonnait toujours. Elle était tombée amoureuse de la Belgique l’an dernier, alors qu’ils y étaient partis durant quelques jours, en vacances. Depuis, elle s’était jurée d’apprendre le français et le néerlandais pour un jour y vivre. Il n'avait rien contre ses idées farfelues; elles l'amusaient même, mais parfois il aurait quand même préféré qu'elle s'adresse à lui normalement.
Dans le monde, il y avait sa soeur, et puis il y avait les autres. Les autres, c'étaient les sorciers, ceux qui passaient leur temps à manipuler des bouts de bois dans l'espoir de faire apparaître quelques sottises au bout. Il n'y avait en soi rien à tirer de la magie, et, toujours selon elle, Jack perdait son temps à poursuivre ses études. C'était l'éternelle dualité qui régnait en maître sur leur relation frère/soeur. L'un trouvait la magie tout bonnement fascinante, l'autre la rejetait complètement. Elle désapprouvait sa décision de devenir langue-de-plomb et malgré tout elle ne pouvait s'empêcher de le lui faire savoir. Il lui faudrait pourtant se rendre à l'évidence; son frère avait de loin les meilleures notes de sa promotion, et ce n'était certainement pas après onze années d'acharnement à ingurgiter des formules et des sorts qu'il allait abandonner. Si leur sang indiquait qu'il n'était pas tout à fait sorcier, ses aptitudes à la magie en revanche ne le trahissaient pas. Il n'avait pourtant rien d'un intello, avec son corps recouvert de tatouages et ses cheveux en bataille, pourtant d'aussi loin qu'on se souvienne, il avait toujours été particulièrement doué à Poudlard. C'est cette soif d'apprendre qui l'a toujours fait vibrer, et qui l'a poussé plus loin encore qu'il ne l'espérait.

« Faut que j'le prenne moi-même le jus ou quoi ? »

Le jeune homme sortit soudainement de ses pensées et lui tendit enfin la bouteille qu'il avait pris soin de secouer sans trop y faire attention. Leur père entra dans la pièce et le silence se fit.

« Bonjour ! »

Il avait accompagné ses paroles d'un sourire chargé de tendresse avant de les embrasser sur le front. Il s'assit après les avoir regardés l'un après l'autre dans les yeux, le temps qu'ils lui répondent. Carl était un brave moldu qui devait avoisiner la cinquantaine. Il savourait chaque instant passé avec ses rejetons depuis qu'ils avaient rejoint cette école dont il ne se souvenait jamais du nom. Il avait réalisé qu'ils ne resteraient pas toujours auprès de lui, qu'un jour ils finiraient par partir pour suivre leur propre route. Comme tous les enfants en somme. Mais les inquiétudes qui l'animaient n'étaient pas celles de toutes les pères. Ses enfants étaient des sorciers, en revanche ce n'était pas son cas. Il ne connaissait rien à ce monde auquel ils appartenaient, et était persuadé qu'il ne serait jamais à la hauteur pour les protéger, parce que le monde est un danger constant et que ceux qui possèdent des baguettes doivent l'être d'autant plus. Si son fils avait un bagage solide pour affronter le monde magique, il savait que sa fille, toute dure-à-cuir qu'elle était, était encore loin de s'intéresser aux préoccupations des adultes. Il en était heureux; savoir qu'il pourrait toujours compter sur la plus jeune, mais si le prix à payer signifiait que la demoiselle devait renier sa véritable nature, en plus d'une sexualité qu'elle avait déjà bouleversée de son plein gré -et sous sa bénédiction, il n'était plus certain de ce qui était le mieux pour elle. Il lui fallait accepter que dans l'éducation, il n'y avait pas de recette miracle, mais aussi que les erreurs étaient de mise.

« Un merci ça t'écorcherait la gueule ? » lança-t-il à sa soeur tout en ébouriffant ses longs cheveux noir de jais.

Ce fut une expérience très étrange, mais pendant un instant, Jack pensa à sa mère. C'était précisément ce qu'elle lui avait dit un midi à cette-même table, alors qu'elle venait de ranger sa chambre qui regorgeait de ces étranges préparations moisies qui n'appartenaient qu'à lui. Entre eux, ils avaient toujours eu pour habitude d'employer des mots pour le moins crus, mais au moins on ne pouvait leur retirer le fait qu'ils se disaient les choses. Il n'ajouta rien, et sa soeur non plus. Peut-être n'y avait-il rien à dire ? Ou peut-être n'avaient-ils pas le temps de parler. Après tout on n'a jamais le temps de discuter de ces choses-là.




Summer 2007, downtown London.

Il pleuvait des cordes ce jour-là à Londres. C'était pourtant l'été. Dans le ciel, qui prenait déjà congé, flottaient d'obscurs nuages que quelques rayons d'un timide soleil enflammaient comme des braises. Les voitures passaient rapidement au milieu de ce déluge, les parapluies allaient et venaient, ils s'entrecroisaient, se choquant parfois sans jamais prendre le temps de se considérer. Jack prit un bus en direction de Hyde Park Corner et en descendit alors que ce dernier s'engageait vers Knightsbridge. Il traversa un passage souterrain et remonta d'un pas décidé Piccadilly. Il s'arrêta finalement aux portes d'Old Bond Street et balaya rapidement la rue des yeux, vérifiant chaque enseigne. Phoenix lui avait donné rendez-vous au Starbuck Coffee et il était bien décidé à arriver à l'heure. Il aperçut enfin le lettrage vert du café et pénétra sans plus attendre à l'intérieur, après avoir écraser sa cigarette dehors. Une douce odeur de chocolat chaud et de caramel embaumait toute la pièce et fit frétiller ses narines.

« Par ici ! »

Jack se retourna et le vit enfin. Il était assis à une table au coin de la pièce, avec deux énormes goblets et une part de cheesecake d'une taille d'autant plus irréelle. Le sorcier esquissa un sourire et vint le rejoindre. Il retira sa veste en cuir et prit place. Comme à leur habitude, ils échangèrent un check-me-five et une puissante accolade qui manqua de les faire tomber de leurs sièges. Cela devait faire au moins trois semaines qu'ils ne s'étaient pas vus, et pour tout dire cela lui avait semblé une éternité. Phoenix vivait au Ritz Hotel avec sa famille, aussi inutile de préciser que cette dernière était plus qu'aisée. Quand il n'était pas à Poudlard, il passait son temps à voyager à travers le monde avec ses parents. Il n'était que rarement chez lui, aussi dès qu'il se trouvait près de la capitale, Jack sautait sur l'occasion pour venir à sa rencontre.
Ils s'étaient rencontrés comme la plupart des étudiants sorciers, dans le Poudlard Express, et avaient plus amplement sympathisé durant la cérémonie de répartition. Ils ne s'étaient pas retrouvés dans la même maison, mais cela ne changea pas grand chose à l'amitié sincère qui se développa entre eux. S'ils ne partageaient pas la fortune, en revanche ils avaient un point commun : ils étaient tous deux issus d'une famille purement moldue. Et tous deux n'en avaient pas spécialement honte. C'est d'ailleurs au début ce qui les a rapprochés, Phoenix jouait à la gameboy. A l'époque, avoir une gameboy était le meilleur moyen de se faire des amis. Lui n'en avait jamais eu et avait toujours rêvé d'en avoir une. En seconde année, 'Nix et lui avaient conclu une sorte d'affaire : il lui prêterait de temps à autres sa console en échange d'une aide en potion ainsi qu'en sortilèges. C'est ainsi que tout a véritablement commencé.

« Hey, j'ai cru que tu reviendrais jamais cette fois ! »
« Moi aussi ! Faut absolument que je te raconte, Shibuya est vraiment classe. Le Japon est officiellement mon pays préféré. »

Le Serdaigle ne put contenir un léger rire aux paroles de son ami. Décidément, son entourage ne rêvait que de quitter le Royaume Unis. Pourquoi aller voir ailleurs quand on connaît à peine son propre pays ? Il avait toujours eu du mal à saisir cet engouement pour les voyages, peut-être était-ce parce qu'il ne s'était jamais véritablement senti dépaysé en Europe.

« C'est ce que tu as dit à propos de l'Italie, et de la Russie, et du Mexique aussi... »
« Je sais... Mais là vraiment, c'était juste époustouflant. »
« C'est pour moi ? » dit-il en pointant du doigt le goblet où son prénom était inscrit.
« Oh, oui ! J'avais la flemme d'attendre que tu arrives alors je suis allé commander. Tu comptais prendre la même chose que d'habitude de toute façon, Mokaccino Grande non ? »
« Absolument ! Bah... Merci. J'te dois combien ? »
« T'inquiète, c'est moi qui offre. »
« OK. »

Il avait cessé de refuser ses mokas depuis longtemps. Autrefois, ils se retrouvaient chez lui, à l'hôtel, mais à présent Jack n'y tenait plus vraiment. La dernière fois qu'il lui avait rendu visite, sa mère l'avait pris à part et lui avait fait comprendre qu'il n'était pas le bienvenu. Elle avait dû les surprendre dans sa chambre. Ils s'étaient embrassés furtivement mais ils s'étaient embrassés quand même. Apprendre qu'il n'était pas juste le bon copain de son fils n'a pas dû être facile à avaler pour elle, il l'entendait bien et avait préféré mettre un terme aux histoires qui pointaient déjà leur nez, en ne venant plus. En fait d'aussi loin qu'il se souvienne il n'avait jamais tenu à ce que leur relation se sache. Aux yeux de tous à Poudlard ils étaient les meilleurs amis du monde. Ils chamaillaient mais toujours d'une façon si brutale que personne n'aurait imaginé que ces deux-là aient pu un jour passer un quelconque cap.

« Ca me fait vraiment plaisir de te revoir, Jacky. »




Winter 2009, 'round Hogwarts.

C’était déjà la troisième fois que ça arrivait depuis la reprise des cours. Jusqu’ici Jack n’avait pas vraiment réagi, mais ce soir-là il n’était pas d’humeur à jouer les aveugles comme il le faisait d'habitude. Nix s'était fait agresser par une bande d'écervelés au sang-pur, et cette fois ils avaient osé commettre l'impardonnable : lui voler la chose la plus importante qui soit pour un sorcier, sa baguette magique. Cette dernièrement demeurait en effet introuvable, et les Serpents & compagnie l'avaient soit-disant jetée dans la forêt interdite. Tout en finissant son dîner dans la grande salle, Jack prit le temps d'observer son ami silencieusement. En arrivant à Poudlard, son égo avait certainement dû prendre un coup. Là d'où il venait sa famille était perçue comme puissante et respectable, tandis qu'à l'école de magie il était tenu au même rang que tous les autres enfants de moldus : celui des moins-que-rien. Jack voyait bien que derrière son air impassible, toutes ces insultes qu'il avait reçues l'avaient profondément touché. Il savait ce qu'il ressentait, autrefois on avait aussi ri de lui, mais ça avait cessé quand il s'était révélé bien plus talentueux que ses bourreaux. Nix ne devait pas se laisser abattre de la sorte. C'était décidé, il irait récupérer sa baguette dès que l'occasion se présenterait.
Et l'occasion se présenta à la nuit tombée, alors que le château tout entier était tombé dans un sommeil profond. Seules les vitres les plus hautes laissaient percevoir un peu de lumière. Dehors, il faisait exceptionnellement froid pour un mois de Novembre. La neige s'amassait lentement sur les étendues vertes de Poudlard. Dans les gémissements du vent qui couchait les flocons à l'oblique derrière les fenêtres, Jack était lancé dans sa course. Il bondit soudain à travers la forêt épaisse. Un frisson d'excitation glacé le traversa. Son coeur était un balancier fou. C'était la première fois qu'il s'y rendait seul, il en prit conscience quand il se retourna et qu'il constata que personne mis à part son ombre ne le suivait. Il brandit sa baguette comme une arme qu'il s'apprêtait à utiliser à tout moment.

« Lumos. » osa-t-il murmurer.

Dans la solitude froide de la nuit, il fallait bien avouer que la peur commençait à le prendre. Mais il lui suffisait de ne pas perdre de temps pour être effectif. Il fit encore quelques pas avant de débuter sa recherche. La lumière qui émanait de sa baguette complétait celle de la Lune, toute ronde et pâle. Jack perdit finalement patience après une dizaine de minutes de vaine recherche.

« Accio, baguette. » souffla-t-il encore, mais rien ne vint jusqu'à lui. « Accio, baguette ! » toujours rien. « J'ai dit ACCIO, BAGUETTE ! »

Un son le coupa brusquement. Comme un froissement de papier. Ses yeux fixèrent le vide, il ne bougeait plus. Jack huma l'air par réflex, et ce qu'il sentit ne le rassura pas. Une odeur particulière couvrait celle des feuilles écrasées sous ses pieds, elle ressemblait étonnamment à celle de son chien revenu de chasse un jour de pluie. Un grognement au-dessus de lui accéléra son rythme cardiaque à une vitesse folle. Par la barbe de Merlin, mais qu'allait-il faire dans cette galère ? Il se retourna aussi rapidement qu'il le put.

« Pétrificus totalus ! »

Son sort atteignit un vieil arbre, l'étrange créature qui était à ses trousses l'avait déjà esquivé. Il eut à peine le temps d'exécuter un mouvement de baguette pour s'élever jusqu'au sommet d'un autre arbre, un furtif mais puissant coup de griffes le toucha et même perché sur de hautes branches il perdit sa propre baguette et surtout connaissance.

« Pétrificus totalus ! » cria à son tour une voix qui ne lui était pas étrangère, mais que, du fond de son esprit, il n'entendait pas.
Jack ne le savait pas encore, mais déjà il n'était plus tout à fait lui-même. Si le grand méchant loup ne l'avait pas dévoré, il ne l'avait pas pour autant épargné.

Pseudo : mr. motherfucka.
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Comment avez vous connu le forum ? : je passais par là, il m'a offert un café !
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Le mot magique ? : dobby président !