Pré-au-lard... Nous en revenions Emrys et moi. Réussir à s'évader là-bas était de plus en plus rare. Les privilèges diminuaient au fur et à mesure que le ministère lançait ses troupes à la recherche de traître à leur sang ou autre. Je trouvais cela dommage, non pas parce que j'avais peur pour ma sécurité, mais bien parce que, des fois, cela faisait du bien de sortir du château. Ces sorties étaient nécessaires pour mon bien-être. De mon côté, je n'avais aucun soucis à me faire. J'étais une Crabbe, une sang pur. Rien ne pouvait m'arriver. Et puis, mon père était quand même un haut placé du ministère, un ferveur servant du Lord... Moi-même, j'allais devenir l'un d'entre eux très bientôt. Seul le temps jouait encore dans l'équation... Et puis, j'approuvais ce que faisait les raffleurs. Ils nous aidaient grandement. Juste à cette pensée, l'ombre d'un sourire apparut sur mes lèvres. Il était si rare de me voir expressive. Il n'y avait que dans les moments d'égarement ou en présence d'Ulysse qu'il m'arrivait de mettre des émotions sur mon visage de porcelaine.

La présence d'Emrys ne m'égaillait pas plus que cela non plus. Il était posé tout comme moi. C'était sûrement pour cette raison que nous étions des meilleurs amis, bien que lui-même ne se l'avouerait jamais. J'aimais bien le taquiner (à ma façon) avec cela. Notre relation était pour le moins étrange. Nous avions tous les deux un caractère assez particulier, mais on se complétait bien tout de même. J'aimais passer du temps avec lui.

Ce fut donc tous les deux que nous revenions à Poudlard. Sur notre route, nous eurent la malchance de croiser des Grindlemonk. Si j'avais eu une quelconque expression, cela aurait été du dégoût qui aurait apparut sur les traits parfaits de mon visage. Cela ne m'empêcha pas de lâcher un commentaire. « Cela devrait être vous que les raffleurs cherchaient tout à l'heure. Je devrais vous dénoncer tout bonnement parce que vous existez. » leur dis-je, sans ménagement. Si je pouvais les faire disparaître d'un claquement de doigt, je ne me serais pas gênée pour le faire. Mais je ne voulais pas me salir les doigts pour eux.

Samedi, la journée préférée de la population étudiante deux doux moments : la grasse matinée et la soirée fêtarde. Emrys avait eu l’intention de bien profiter du peu de travaux à terminer pour rattraper son sommeil et paresser de longues heures dans son douillet lit; tant pis s’il manquait le petit-déjeuner (il pourrait toujours se sustenter avec des chocogrenouilles jusqu’au midi). Malheureusement, il parut qu’il avait planifié un tout autre horaire au début de la semaine, mais que celui-ci lui était complètement sorti de la tête. Ce fut un de ses copains avec qui il partageait le dortoir que le lui rappela brutalement : « Y’a Alix dans la salle commune qui complote ta mort.» Le rouquin ouvrit un œil. « Pardon ? » dit-il de sa voix enrouée du matin. «Il paraît que tu lui avais dit que tu irais avec elle à Pré-au-Lard aujourd’hui. » C’était si vrai. Il s’en souvenait maintenant, et elle voulait partir tôt pour ne pas être coincée dans la foule d’élèves surexcités par cette sortie au village sorcier. Les balades à Pré-au-Lard étaient de plus en plus rares et les sorties étaient donc très courues. Alix devenait présentement réfléchir à une façon de la ressusciter pour l’assassiner à nouveau. Emrys la rejoignit cinq minutes plus tard, en affichant un si grand sourire repentant qu’elle ne fit que rouler les yeux et ils quittèrent le château de bonne humeur.

Les deux amis passèrent un moment tranquille et agréable à Poudlard, ils visitèrent quelques boutiques pour repérer les nouveautés intéressantes. Alix l’empêcha d’acheter le nouveau livre de l’historien Ignaz Winslow, sous le mauvais prétexte qu’Emrys avait déjà, sur sa table de chevet, une quantité phénoménale de livres qui n’attendaient qu’à être lus, mais il s’acheta une nouvelle plume – de coq — , car la sienne commençait à être capricieuse (au cours de la semaine, il s’était taché deux fois les mains avec de l’encre et il en avait marre). Quand son ventre avait commencé à gargouiller violemment, Emrys était rentré dans un café pour avaler rapidement un sandwich, devant une Alix moins bavarde que d’habitude.

Sur le chemin du retour, les deux Serdaigles croisèrent des Grindelmonks. L’événement n’avait rien de spécial : les étudiants normaux de Poudlard côtoyaient chaque jour les nés-moldus. Emrys se faisait un honneur de leur accorder le moins d’attention possible et il n’aurait même pas regardé les mauves qu’il croisait si Alix ne les avait interpellés. « Cela devrait être vous que les rafleurs cherchaient tout à l'heure. Je devrais vous dénoncer tout bonnement parce que vous existez. » À l’instar des yeux des victimes, ceux d’Emrys s’écarquillèrent. Elle n’avait pas vraiment dit cela, oui ? Emrys désapprouvait la présence des nés-moldus à Poudlard autant que le travail des rafleurs. Il ne pensait pas que les nés-moldus méritaient d’être traités si brutalement, mais qu’ils devaient vivre dans leur monde et laisser la sorcellerie à ceux qui avaient le droit de la manipuler, aux sorciers. Il ne voulait qu’un peu d’ordre dans le monde, pas la Troisième Guerre mondiale, mais il lui fallait auparavant mettre un peu d’ordre dans ses propres pensées et ce n’était pas gagné… revenons à nos moutons mauves. Emrys ne ressentit pas une bouffée de sympathie à leur égard, mais il ne pouvait laisser les paroles d’Alix flotter dans l’air, aussi blessantes qu’un Doloris, et il fit une chose très rare : il adressa la parole à des Grindelmonks. Il lança la première excuse qui lui vint en tête :« Elle ne veut pas vraiment dire ça, elle a eu une bièraubeurre de trop. » À 14h, c’est très probable. Emrys était soudainement très pressé de quitter le lieu du crime et il se tourna vers Alix, prit le bras pour l’amener avec lui. « Tu sais quoi ? Je vais aller acheter ce livre de Winslow, en fin de compte. On se dépêche ? Avant qu’il n’en reste plus. » Nul doute que la pile de soixante-dix livres avait beaucoup de chance de s’être vendue au complet en deux heures, surtout lorsque la clientèle de la librairie était un troupeau d’adolescents boutonneux au quotient intellectuel très variable. Il ne voulait simplement pas courir le risque qu’Alix attaque verbalement (ou pourquoi pas physiquement?) encore les Grindelmonks. Il relâcha son bras quelques mètres plus loin, mais ne pipa mot. Ce n’est qu’avant de rentrer dans la librairie qu’il se retourna vers son amie : « Alix, mais pourquoi ? Que t’est-il passé par la tête ? On s’en fiche d’eux, on n’a pas besoin de leur parler. »

Des gindlemonks... des "sang-de-bourbes", des calamités, des moins que rien... des... bref, tous ces synonymes voulaient dire la même chose. Peut-être avais-je trop côtoyé Ulysse et les siens, mais ils me sortaient par la tête ces temps-ci. Côtoyer des mangemorts n'étaient pas non plus bon pour le moral, mais ils avaient l'avantage d'ouvrir l'esprit. Ces énergumènes ne méritaient pas de fouler le sol de notre univers. Et je le leur fis rapidement savoir. Certes, je gaspillais peut-être ma salive pour rien, mais ça me démangeait d'aller chercher les raffleurs et de leur donner en pâture. Ça aurait peut-être égayer ma journée... mais non. Emrys n'était définitivement pas de mon avis.



« Elle ne veut pas vraiment dire ça, elle a eu une bièraubeurre de trop. » leur dit-il. Quoi? Bièraubeurre, mais de quoi parlait-il? Désorientée, j'haussai les sourcils ne répondant rien, mais me jurant qu'il allait en entendre parler. D'ailleurs, le Serdaigle fit quelque chose qu'il allait regretter plus tard. Il me prit par le bras et m'entraina à sa suite. Je n'aimais guère me faire déplacer de force ainsi, mais je me retins encore de faire une quelconque scène devant tout le monde. « Tu sais quoi ? Je vais aller acheter ce livre de Winslow, en fin de compte. On se dépêche ? Avant qu’il n’en reste plus. » me dit-il.


Arrivés devant la librairie, mon meilleur ami se tourna vers moi. Il semblait si offusqué que j'en aurais presque ri si je montrais mes émotions au grand jour. Mais en ce moment-même, seule la colère montrait des signes de vie sur mon visage. Ma mâchoire était crispée et je me retenais de toutes mes forces pour ne pas l'envoyer paitre quelques mètres plus loin grâce à un sort qui démangeait ma main qui tenait ma baguette dans ma poche. « Alix, mais pourquoi ? Que t’est-il passé par la tête ? On s’en fiche d’eux, on n’a pas besoin de leur parler. » me demanda-t-il. « Non, c'est plutôt moi qui devrait te poser la question. Tu sais à quel point leur seul vu me dérange? Pourquoi m'as-tu fait cela à moi? J'ai eu l'air complètement demeurée. Et tu sais à quel point je déteste cela. Tu aurais du laisser faire. » lui dis-je, restant pourtant calme autant dans mon attitude que dans le ton sur lequel je lui dictais ma façon de penser. « Et je ne comprend pas pourquoi tu réagis de la sorte. Pourtant, tu ne les aimes pas plus que moi. Il va falloir t'affirmer un jour sur tes allégeances, mon meilleur ami! » ramenais-je sur le tapi. Quoi? Après tout, il était au courant que je deviendrais sous peu une mangemorte et fière de l'être.

La réaction d’Alix était prévisible; elle n’avait jamais aimé se faire dicter une conduite et n’allait certainement pas se laisser par Emrys, même si elle le considérait comme son meilleur ami. Elle avait au moins eu la bonté de ne pas confronter le rouquin devant les Grindelmonks et s’était laissée entraîner, à contrecœur. Emrys percevait très bien la colère à travers les traits crispés de la blondinette, mais les états d’âme de son amie lui importaient bien peu en ce moment. « Non, c'est plutôt moi qui devrais te poser la question. Tu sais à quel point leur seule vue me dérange? Pourquoi m'as-tu fait cela à moi? J'ai eu l'air complètement demeurée. Et tu sais à quel point je déteste cela. Tu aurais dû laisser faire » dit-elle froidement. Elle avait son éternelle attitude calme, mais ne se retenait tout de même pas pour la sermonner. Il était en fait plus désagréable d’entendre ces paroles sur un ton froid qu’à partir d’un déversement émotif au décibel trop élevé. De la même tranquillité, Emrys rétorqua : « Tu avais l’air demeurée avant que je n’intervienne, chère. » Il n’avait pas du tout aimé la manière d’agir d’Alix et ne se gênait pas pour lui cacher sa frustration. « Et si tu veux jouer à la victime, je peux aussi me plonger à merveille dans le rôle; tu connais aussi mon aversion pour eux, pourquoi prolonger la souffrance de les côtoyer? » railla-t-il. Évidemment qu’il exagérait. Certes, il n’appréciait guère la présence de quelconque Grindelmonk, mais il arrivait à respirer normalement lorsque l’un d’eux passait à ses côtés (il connaissait des Sangs-Purs qui, lorsque confrontés à une situation semblable, prétendaient que l’air était contaminé/nauséabond). « Et je ne comprends pas pourquoi tu réagis de la sorte. Pourtant, tu ne les aimes pas plus que moi. Il va falloir t'affirmer un jour sur tes allégeances, mon meilleur ami! » dit Alix. Le jeune Serdaigle se retint de lever les yeux au ciel. « Je ne vois simplement pas l’utilité de les maltraiter tout le temps. Ils finiront comprendre leur inutilité par notre mépris, d’après moi. Nul besoin d’attiser leur colère et de partir en guerre… » Cela et le fait qu’il lui arrivait certains jours que ses croyances s’adoucissaient; qu’il voyait les nés-moldus comme… non pas une part essentielle, mais pas nécessairement des déchets de l’humanité. Parfois. Et parfois, il lui semblait qu’il aurait mieux fallu que la planète ne soit habitée que par des sorciers. Parfois. Et parfois, il lui arrivait de penser que les Mangemorts ne formaient pas un groupe si terrible, en fin de compte. Parfois. Il ne savait jamais complètement et cela lui pesait atrocement sur les épaules (mais surtout à l’intérieur de la tête, là où toutes ses réflexions s’en donnaient à cœur joie à deux heures du matin). Il faisait partie du Cercle, comme toute sa famille, mais il ne s’y sentait pas toujours à sa place. Parfois, il enviait Alix et ses convictions si affirmées. Elle détestait les Grindelmonks et tous le savaient; elle allait rejoindre les Mangemorts, un groupe avec lequel elle partageait beaucoup d’affinités. Elle avait sa place, elle. « Mes allégeances se portent très bien, merci, mon amie » mentit Emrys en accentuant bien le mot amie, lui faisant comprendre pour une énième fois qu’il n’appréciait pas sa qualification de meilleur ami – un concept puéril et inutile à son avis – surtout en ce moment où il désapprouvait fortement les actions de la blondinette.



Spoiler:

La colère était montée en moi momentanément. Mais comme tout sentiment chez moi, elle avait été éphémère. Emrys m'avait fâché en me faisant littéralement passer pour une folle. Une chance que je tenais à lui, puisqu'il aurait goûté à ma colère. Et personne ne veut y goûter. Emrys me répliqua sur le même ton froid dont j'avais usé quelques secondes plus tôt. Lui et moi, nous étions semblables, c'en était presque frustrant. « Tu avais l’air demeurée avant que je n’intervienne, chère. » qu'il rétorqua. Je me renfrognai, le dévisageant des pieds à la tête. Haussant un sourcils, je croisai les bras contre ma poitrine, seule signe de la déception que j'avais envers lui. Que cherchait-il en agissant de la sorte? À attiser ma colère?


« Et si tu veux jouer à la victime, je peux aussi me plonger à merveille dans le rôle; tu connais aussi mon aversion pour eux, pourquoi prolonger la souffrance de les côtoyer? » railla-t-il. « Tu ne comprends donc pas que tout ceci est un genre de jeux? Je te croyais plus brillant que cela » lui rétorquais-je. « Si tu n'es pas content, pourquoi restes-tu avec moi? Tu es censé me connaitre très cher ami... Et je n'ai pas besoin de toi pour parfaire mon image... » rajoutais-je avec un sourire en coin. Rares étaient-ils et je les réservais pour mes moments de folie.

« Je ne vois simplement pas l’utilité de les maltraiter tout le temps. Ils finiront comprendre leur inutilité par notre mépris, d’après moi. Nul besoin d’attiser leur colère et de partir en guerre… » rajouta le Serdaigle. J'haussai les épaules. À quelque part, il avait raison, mais j'étais bien trop orgueilleuse pour l'admettre. « Mes allégeances se portent très bien, merci, mon amie » rajouta Emrys. Ouais, mon oeil... « Tu es certain de cela parce que des fois, je me pose des questions... » rajoutais-je moi-même.


Je regardais Emrys droit dans les yeux, toujours froide comme la pierre. Je savais qu'il n'allait pas partir. Je savais aussi pertinemment qu'il ne s'excuserait pas. Soit n'allait-il plus m'en toucher un mot, soit il allait continuer. Mais je doutais qu'il veuille gaspiller sa salive pour cela. « On va le chercher ou pas ce livre? À moins que ce n'eut été qu'un prétexte après tout? »