Une heure avant l’heure du petit déjeuner. Toute la maisonnée dormait encore. J’avais gardé mes deux nattes de la nuit, bien qu’elle n’y ressemblait plus beaucoup, mais j’avais pris la peine de m’habiller rapidement. Je me dirigeais vers les cuisines du manoir. J’aimais cette pièce et encore plus les êtres qui l’occupaient. Des « serviteurs » c’était ainsi qu’ils les appelaient, en attendant à cinq ans je savais déjà que ma famille serait incapable de faire à manger sans leurs « serviteurs ». A cet âge-là déjà je me demandais pourquoi, je les avais déjà entendu prononcer les mots tels que basses besognes, pas un travail de sorcier, mais l’incompréhension demeurait car j’adorais la cuisine. Et cuisinier. J’entrais dans la vaste pièce, Micky m’attendais déjà. Elle était un peu la nourrice que j’aurais toujours voulu avoir. Une vielle elfe de maison qui semblait tout connaître de la vie et d’une gentillesse extrême malgré la méchanceté gratuite de la famille qu’elle servait. Elle m’apprenait à cuisiner, elle me parlait des choses de grandes personnes. Elle m’éduquait et cela m’allait. Je ne ressentais aucune honte face aux sentiments que j’éprouvais pour cette elfe de maison. Je savais qu’en grandissant je serais en mesure de lui rendre tout ce qu’elle m’avait offert. J’étais jeune et innocente, je me levais juste le matin pour faire à manger, je ne savais pas qu’un elfe de maison pouvait être libéré. Micky ne m’en avais jamais parlé. Ou alors pas à temps.
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Assise dans un fauteuil de la bibliothèque je lisais en silence. Une lecture d’enfant de six ans. Une lecture d’enfant de six moldu. Micky m’avait parlé des contes moldus et de leur morale, m’ayant assuré que j’aimerais, elle m’avait fait parvenir un exemplaire de Robin des Bois, même si je n’étais pas en âge de le lire correctement. C’est alors que j’entendis des cris dans le hall d’entrée et la voix de mon père hurler mon prénom.
« Margearyn. Viens ici ! » Je serais les dents tout en reposant avec délicatesse mon livre sur la table me faisant face. C’est avec la même délicatesse et douceur que je me dirigeais vers le couloir de l’étage où je me trouvais. Je me montrais certes obéissante mais je n’étais pas pressée de lui obéir pour autant. Une fois sur le palier supérieur je posais mes yeux vers le bas. J’étais stupéfaite, je dus me retenir à la rambarde pour ne pas sentir mes jambes fléchir.
« P-Père ? Elle n’a rien fait.» Je dévalais les escaliers jusqu’à me retrouver en face de lui et de l’elfe de maison qu’il tenait en l’air la tête en bas du bout de sa baguette magique. Je sentais déjà les larmes couler les long de mes joues.
« J’ai vu cette vieille rombière voler dans les coffres de la famille. » « Comment le pourrait-elle, la maison manque-t-elle de soin ? » « Petite sotte, ces créatures du démon t’ont contaminé. » « Elle n’a rien fait ! » « Elle t’as perverti, et pour cela je ne connais qu’une solution. » Il fit tourner Micky sur elle-même, elle ne disait rien, ses grand yeux verts me fixaient, elle semblait calme. Etrangement calme. Il reposa Micky au sol, elle devait être à cinq mètres de moi.
« Oh Micky je suis désolée » lui dis-je presque dans un soulagement. Elle me fit un sourire tendre puis plus rien. D’un coup d’un seul la baguette de mon père lui avait coupé la tête. J’hurlais.
« Vous n’aviez pas le droit. Micky… » Je ne pouvais retenir mes larmes. Je savais que même si j’avais pris la peine de le supplier il n’aurait pas revu sa sentence. Pourquoi tuer un être aussi bon ? Elle ne méritait pas une telle mort.
« Tu peux disposer du corps. Apprécie ma clémence. » Il se retourna.
« Je vous hais. » avais-je dis entre deux sanglots. Il n’en tint pas compte, mais il continua de m’achever :
« Si tu ne t’en occupes pas, je la donnerais en pâtures aux créatures. » Je n’avais plus de Micky. Dans mon esprit je n’avais plus père. Quelques mois plus tard, je n’allais plus avoir de mère. Mais le plus beau des cadeaux allait m’être fait.
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La famille réunit au grand complet. C’est toujours lors d’un enterrement d’un être chère que l’on voit les familles se ressouder. Ils sont tous là, les frères, les sœurs, le père, les autres, et Ravenna. Lovée au creux de mes bras, j’avais insisté. Depuis la mort de Micky j’avais pris en caractère. Je m’affirmais bien plus face à mon père. Quelques mois seulement. Que pourrait-il me faire après tout ? Imaginez un peu la bavure si on apprenait l’assassinat d’un enfant Malfoy par un Malfoy. Certes à six ans, je n’étais pas capable de tenir ce genre de raisonnement, mais je me sentais tout de même protégée. Les larmes coulaient le long de mes joues. Maman venait de mourir. Une relation froide parce que les préceptes le voulaient, mais au fond je savais qu’elle avait toujours un peu été de mon côté, tout simplement parce que j’étais son enfant ; au fond d’elle il lui était impossible de me renier. Je regardais avec tendresse le petit bébé brun. Elle avait le visage rond, un peu comme moi. J’espérais qu’elle me ressemblerait. De toute façon, face à cette tombe que l’on venait de refermer, je me faisais une promesse à moi-même : celle de toujours la protéger et de lui montrer toutes les facettes qui peuvent exister. Je ne voulais pas laisser Ravenna entre leurs mains, ils seraient bien capables de finir par l’accuser d’avoir tué maman. Alors que la pauvre elle n’y pouvait rien, c’était ainsi que cela devait se passer. Nous laissant tous avec cette blessure au cœur. Je ne les laisserais pas leur faire du mal. N’importe qui.
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Ce jour-là je m’étais sentie pousser des ailes. Ce jour-là Ravenna avait envie de s’amuser et elle n’avait que le mot magie à la bouche, aussi du haut de mes dix ans je m’étais persuadée de pouvoir lui montrer un petit tour de sorcellerie pour la divertir. Un père en réunion avec des hommes tout aussi méprisables que lui m’avait suffi à pouvoir lui subtiliser sa baguette magique. Ce n’était pas la première fois que je le faisais, je savais comment faire pour qu’il ne se rende compte de rien. Mon père était d’un prévisible affligeant et encore maintenant. Suivre les stupides règles que l’on impose aux familles de sang pur c’était ce pour quoi il vivait, tout ce qu’il avait à la bouche dès qu’il s’agissait de me réprimander. Mais cela ne servait strictement à rien, la preuve étant que je me retrouvais dans le jardin avec ma petite sœur, baguette magique en main. Au départ, j’avais commencé par faire voler quelques fleurs. Bien entendu c’était loin d’être de la haute voltige, je n’avais que dix ans et ce n’était pas ma baguette magique. Cela dit, elle m’obéissait plus ou moins, savoir-faire ou coup de chance je ne saurais le dire. Peut-être que cela aurait dû me donner la puce à l’oreille quant à mes capacités magiques en sortilèges. Soit. Après les fleurs, je proposais à Ravenna de lui changer la couleur de l’écorce de l’arbre contre lequel elle était adossée. Autant dire que cette proposition la fit sautiller sur place, tellement elle trouvait l’idée d’avoir un peu de magie sur elle merveilleuse. Je lui fis la surprise de la couleur tout en essayant de me remémorer un sortilège que j’avais lu. Je fermais les yeux. Puis un sourire aux lèvres je pointais ma baguette magique vers l’arbre.
« Ami de la nature il est temps de changer de couverture alors change ce brun en carmin. » J’étais sûre de moi j’avais déjà tenté de lancer quelques enchantements et cela avait toujours fonctionné. Sauf que celui-là, c’était la première fois et lorsque la lumière rouge jaillit de ma baguette un doute me pris, il me semblait m’être trompée d’un mot. La force dans mon bras faiblit ce qui fit dévier ma main de sa trajectoire. Et le carmin prit possession de la chevelure brune de ma petite sœur. Voilà qu’elle venait de devenir rousse. J’en lâchais la baguette de surprise puis je la rattrapais de suite pour essayer de tenter tous les contre sorts qui me sortaient par la tête, même le finite incantatem ne fit rien. Le sentiment d’insécurité s’évapora lorsque je remarquais que cette erreur ne déplaisait pas totalement à Ravenna. Quant à notre père, il fut comme à son habitude égal à lui-même :
« Une Malfoy rousse ?! C’est le début de la fin. Tu ne t’en sortiras pas comme ça jeune fille, il n’est pas question que tu pervertisses MA fille. » Et il n’était pas question qu’il fasse d’elle son pantin.
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« Je t’écrirais des lettres toutes les semaines et si vraiment je ne peux pas ce sera toutes les deux semaines. » « Tu promets ? » « Bien sûr comment voudrais-tu que je t’oublis. Tu vas me manquer aussi. » Les lettres, je les ai écrites. Je lui ai raconté Poudlard, les cours, le Quidditch, la vie en tant qu’écolière sorcière. Pendant deux années, Ravenna m’a répondu. Elle était enthousiaste et me faisait toujours part du fait qu’elle attendait les vacances avec impatience pour qu’elle puisse enfin me voir. Je ne manquais jamais d’histoire à lui raconter, ni cadeaux car à chaque week-end que je passais une fois par mois à Pré-Au-Lard, je ne repartais pas sans avoir pensé à lui rapporter un petit quelque chose. La distance était certes importante, mais nous restions plus proche que jamais. Un fait qui n’était pas pour plaire à notre père qui finit par s’immiscer dans l’histoire. Les lettres que j’écrivais ne recevait plus de réponses. Je pensais que j’avais écrit quelque chose pouvant blesser Ravenna, je m’étais alors aussitôt excusée dans une nouvelle missive. Mais rien. Lorsque les vacances arrivèrent la raison de son silence prit un nom. Si Ravenna ne l’avait pas forcément compris, pour ma part lorsque j’avais vu la mine boudeuse de ma petite sœur qui me reprochais de ne pas lui avoir écrit une seule fois en même temps que le sourire en coin de mon père ; j’avais compris. Mais j’étais plus intelligente que lui. Ravenna avait encore trois années à passer au Manoir avant de pouvoir me rejoindre à Poudlard et je ne voulais qu’elle vive dans un climat hostile. Aussi je prenais la faute sur moi et disait à Ravenna que je n’avais malheureusement pas eu le temps de les lui envoyer. Mais ce n’était pas tout. Je prévoyais de contrecarrer les plans de notre père. Je ne comptais pas arrêter d’écrire les lettres, juste je ne les enverrais plus. Aussi à chaque fois que je rentrerais je pourrais les lui donner en mains propres. Puis sur sa dernière année je fis mieux. Ayant sauté une année je lui envoyais de temps en temps mon patronus pour lui parler.
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« Je suis bon avec les bons et méchant avec les méchants, je donne un coup de main à mes amis et un coup de bâton à mes ennemis, je chante la ballade pour rire et la chanson à boire à qui aime à rire, à qui aime à boire, je prie avec les dévots, j’entonne des Oremus avec les bigots, et j’ai de joyeux contes à raconter à ceux qui détestent les homélies. » Je refermais la version de Dumas et posais cet exemplaire de Robin des Bois au sol. Mes yeux se posèrent tendrement sur la petite tombe.
« Voilà pour aujourd’hui Micky. » J’avais désormais quinze ans mais je me sentais toujours coupable de la mort de l’elfe de maison et les conseils de Reed ne m’aidaient pas dans ce domaine. C’est pourquoi à chaque fois que je rentrais je lui lisais une partie de ce livre qu’elle m’avait offert. Je sortais ma baguette de l’intérieur de ma veste puis la dirigeais vers une petite bulle qui flottait au-dessus de la pierre tombale. Cette bulle je l’avais mis en place l’année passée en même temps que je lui avais offert mon cadeau. Une paire de chaussettes en laine que je lui avais tricoté. Maintenant, je savais qu’elle était en paix. Je l’avais libéré.
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J’étais dans la serre souterraine que j’avais aménagé dans une des pièces du sous-sol de la demeure familiale. Je n’avais pas laissé le choix. Cette pièce était devenue mon sanctuaire de paix et il était rare qu’IL vienne m’y déranger. En fait, à part les repas ou les réunions de familles où ma présence était requise, nous ne croisions que très peu et c’était suffisant. Pourtant ce jour-là il avait décidé de pénétrer dans mon chez moi. Il avait refermé la porte derrière lui.
« Discussion sérieuse ? » hasardais-je avec beaucoup de moqueries.
« Tu vas rencontrer un jeune homme de ton âge ce soir, il sera ton fiancé. Vous vous marierez le plus rapidement possible. » Je me retournais vers lui. La mine relativement déconfite, je n’avais pas les moyens de ne pas perdre la face. Je n’avais ni la force ni l’envie de lui faire croire que cela ne me faisait ni chaud ni froid. En un sens j’étais assez différente de lui, mis à part la ruse et la fierté, j’étais impulsive et parfois colérique ; surtout quand une cause n’était pas appréciée à sa juste valeur.
« Cette décision ne me sied guère. » sarcasme encore.
« Tu n’as pas le choix. » Un rictus s’empara de mes lèvres.
« Vous voulez parier ? » Seize ans mais en septième année, j’avais déjà appris à transplané. Je transplanais une fois dans ma chambre. Je récupérais un minimum d’affaires. Je transplanais devant la tombe de Micky pour la voir une dernière fois. Puis je transplanais devant la porte d’une autre nouvelle demeure. Je frappais la porte. Il m’ouvrit.
« Reed, il faut que tu m’aides… »φ φ φ
Le reste vous le connaissez. J’ai brillé dans mes études. J’ai rencontré un grand homme que j’admire, le directeur de Poudlard. Je devenue auror ah et maintenant je n’habite plus chez Reed. J’ai mon propre chez moi que je vous mets au défi de pénétrer dans y avoir été invité. L’Ordre occupe le plus clair de mon temps, avec mes soucis concernant le camp de Ravenna et les cours que j’assiste en défense contre les forces du mal. Je suis plus que jamais engagée de la guerre. Contre les reliques, contre les sangs pur. Je sévis toujours contre l’injustice à Poudlard et je ne peux résolument pas me passer mon petit Reed, même si c’est véritable salaud parfois. Mais c’est comme ça, c’est moi, c’est lui, c’est nous. Il n’ a que lui et Ravenna qui comptent dans ma vie, et c’est déjà trop de souffrance. C’est ma vie. Je veux sauver Ravenna de la spirale infernale dans laquelle elle s’est enfermée, elle a fait des mauvais choix, comme son petit ami par exemple, mais je ne perds pas espoir. Je partirais avec elle et avec j’emmènerais Reed. Nous quitterons cet enfer. Mais avant, il va falloir se battre.