Ce cours de potions n'avait pas été très bénéfique pour Eleonor. Une fois de plus, elle avait été prise de violentes hallucinations. Le professeur avait beau parler de choses fort intéressantes, la belle ne l'écoutait pas. Pourtant, d'habitude, le cours de potions était de loin son cours préféré. Eleonor buvait les paroles du professeur en temps normal et il était rare qu'elle perde la raison lors de ses cours. Mais cette fois-ci, son attention s'était entièrement et uniquement focalisée sur l'une des fenêtres de la salle. En effet, elle croyait sans arrêt voir apparaitre sur le carreau le visage d'un diable, formé par le brouillard provenant de l'extérieur. La jolie Serpentard détournait maintes fois son regard de la fenêtre, et tentait de suivre les explications de son professeur, en vain. Elle agrippait ses mains à sa longue chevelure, sur son crâne, comme pour rejeter le mal qui venait s'emparer de son corps et de son esprit. A cet instant, elle s'efforçait de penser à Sofia, à ses douces paroles si rassurantes. Alors qu'elle relevait les yeux, l'hallucination s'intensifiait, prenait petit à petit de l'ampleur. Le visage s'agrandissait, Eleonor ne pouvait pas s'empêcher de le fixer de ses yeux gris, et elle se sentit soudain menacée par une présence maléfique. Eleonor avala sa salive, comme pour parvenir à garder son sang-froid et à s'empêcher de crier de frayeur. Imaginez-vous la réaction de ses camarades Serpentard s'ils s'apercevaient qu'Eleonor était terrorisée par le carreau d'une fenêtre !.. Ils l'auraient encore plus méprisée, et sa réputation aurait une nouvelle fois été ternie. La plupart étaient d'ailleurs au courant de son état de santé, et n'hésitaient pas à la rabaisser. Le plus souvent, cela ressemblait à : "Hey Corner ! combien d'électrosorts tu vas encore te prendre aujourd'hui ?", puis ils s'éclipsaient en ricanant bêtement. Eleonor, parfois, était tellement agacée, qu'elle se jetait à leurs cous pour les étrangler. Mais la plupart du temps, épuisée et angoissée, elle se sentait bien trop impuissante pour faire quoi que ce soit, et se contentait de leur lancer un regard menaçant.

La figure imaginée par l'esprit de la jeune femme sur la vitre était terrorisante. Eleonor s'était mise à trembler comme une feuille, des gouttes de sueur étaient venues perler sur son front et coulaient le long de ses joues mates. La plume qu'elle tenait en sa main bougeait dans tous les sens, si bien qu'elle tomba au sol, avec un bruit sec contre le carrelage. Ses petits camarades se retournèrent bien entendu, ils découvrirent son visage marqué par la peur, la panique. D'ailleurs, sa bouche rose s'était malencontreusement ouverte sans qu'elle puisse s'en rendre compte. Certains se mirent à rire parce qu'ils avaient bien compris que miss Corner perdait une énième fois la raison. Eleonor resta quelques secondes immobile face aux regards des Serpentards. Elle se baissa pour ramasser la plume qui avait tâché le sol de l'encre noire qu'elle contenait sur sa pointe. Quand elle se redressa, le cours avait repris comme si rien ne s'était passé. Seul Amadeus Damon Black l'observait discrètement sur sa droite. Eleonor baissa les yeux en tentant de reprendre le cours de ses activités comme si de rien n'était. Elle écrivait les quelques mots débités par le professeur, sans même chercher à les comprendre. La pointe de sa plume courrait sur le parchemin avec une vitesse incroyable. Son visage s'était quelque peu détendu, du moins Eleonor s'efforçait de le faire paraitre. Elle avait bien trop de fierté pour dévoiler ses sentiments, surtout devant le sublime Amadeus Black, qui continuait de la regarder intensément, Eleonor le sentait.

"Bien. A la semaine prochaine." La fin du cours sonna, enfin. La belle ramassa ses affaires avec agitation, elle n'avait qu'une envie : sortir d'ici au plus vite afin d'échapper aux remarques désobligeantes de ses camarades. C'est alors que ses yeux croisèrent ceux d'Amadeus, aussi bleus que les siens. Il est vrai que le jeune homme était fort séduisant coiffé ainsi, et les couleurs de Serpentard lui allaient à merveille. D'habitude, Eleonor lui aurait envoyé un sourire coquin, malicieux, mais aujourd'hui, elle n'était pas vraiment disposée à réagir ainsi. Ses deux livres dans les bras, Eleonor s'empressa de quitter sa place et de sortir la première de la pièce. La jeune femme courait presque dans les couloirs sombres. Il était tard, Eleonor était fatiguée, elle allait se reposer dans sa salle commune, à l'écart comme d'habitude.