« Pourquoi n’es-tu pas mort à sa place ? »

Quinze ans avaient passés. Depuis ce jour, ou presque, nous ne nous étions plus quittés. De profondément narcissique, j’étais passé à profondément amoureux. La question aurait été de savoir comment Kat était parvenue à un tel miracle. Grâce à son rire cristallin, à chaque fois que je faisais une tentative de séduction ? Elle adorait se moquer de moi, de toutes ces habitudes que j’avais prises pour être au centre du monde. Ses yeux, qui me scrutaient avec intérêt pour essayer de reconnaître le vrai du faux. Sa manière de dire « idiot », son courage, elle était tout de même à Gryffondor… Sa chevelure, son parfum. Quinze ans de parfait bonheur, qui m’avaient emmenés à faire des choses auxquelles je n’aurais jamais cru même penser.
Le « je t’aime », chuchoté un matin de septième année, alors que nous nous étions réveillés dans un passage secret du château, entourés par les draps rapportés de nos maisons respectives. Elle m’avait alors observé avec attention, cherchant le piège mais n’en voyant aucun. « Tope là », m’avait-elle répondu, avant de sombrer à nouveau dans un profond sommeil.
Et, enfin, la grande cause qu’elle défendait : les droits des moldus, dont elle était fanatique, chose que je trouvais ridicule, puisqu’il s’agissait d’un monde tellement inférieur au notre. Mais enfin. Cette obsession pour ce peuple duquel, disait-elle, nous étions tous issus, est ce qui la perdit. Si je n’arrivais pas à croire qu’elle avait grandit dans cet environnement sans magie, j’avais fini par adhérer à sa cause, non pas par conviction, mais pour mieux, pensais-je alors, pouvoir la protéger.

Ayant dans le dessein de finir avocat à la cour internationale de défense des sorciers, afin de suivre les traces de mon père qui, avec le temps, avait fini par en devenir un des pilliers majeurs, j’avais longuement étudié les ouvrages magiques qui me permettraient de parvenir à mes fins. J’avais passé des mois entiers au département de la justice magique, plongé dans les livres de la bibliothèque consacrée au droit, assistant à des procès de toutes les sortes, de l’affaire du jardinier Cracmol qui séquestrait des sorcières dans le but de trouver un moyen de leur voler leur magie, à celle, beaucoup plus amusante, du sorcier qui avait en une nuit fait apparaître dans plusieurs champs de la banlieue de Gorsemoor, territoire moldu par excellence, des cercles énormes. Au matin, ces derniers avaient crus à une invasion massive de créatures d’une autre planète – quelle bêtise, comme si ces choses là existaient vraiment. A l’âge de 26 ans, j’étais donc promu avocat. Kat, quand à elle, avait passé toutes ces années à se consacrer à ses moldus tant aimés. Elle organisait des manifestations, des expositions destinées à faire connaître leur monde et leurs us et coutumes. Le sortilège Sonorus était son préféré, puisqu’il lui permettait de se faire entendre de loin sans pourtant élever la voix. Ma fiancée, car j’avais finis par la demander en mariage le jour ou j’avais été officiellement déclaré avocat, étant plus têtue qu’un billywig, j’avais rapidement cessé de vouloir lui faire entendre raison quand à son merveilleux monde des moldus.
Je la soutenais, donc, sans trop savoir pourquoi. L’amour nous fait tous agir de la manière la plus stupide qui soit. Car bien évidemment, j’aurais dû l’arrêter et ce, même au risque de la perdre. Mais j’étais à l’époque bien trop égoïste pour songer à ce qu’elle disparaisse de mon univers pour toujours… Comprenez donc mon raisonnement : en tentant de lui faire entendre raison (chose qui d’ailleurs avait provoqué de furieuses disputes), elle aurait fini par me quitter. En restant à ses cotés, j’étais au moins là pour la protéger.

C’est du moins ce que je pensais, pauvre imbécile que j’étais.

Ma vie, en effet, prit fin au mois de mars, il y a trois ans de ça. A notre réveil, tout était pourtant parfait. Le printemps faisait lentement son apparition, le temps était clément, presque chaud. Kat s’était levée avant moi, en chantonnant, était allée se préparer pendant de longues minutes puis, avait tenté de m’extirper du lit. J’avais finalement gagné la bataille et avait réussi à la garder près de moi. Une heure, peut-être deux avaient passé au bout desquelles nous avions fini par nous rendre à la cuisine, histoire de déjeuner.
Notre repas, n’avait pas duré longtemps : les assiettes de porridge à peine posées sur la table, que la cheminée s’anima : un des sorciers partisan moldu apparu à travers les flammes, paniqué : « Des mages noirs ont infiltrés la base ! On nous a dénoncés ! »
Kat avait immédiatement bondit. « Bouge Trackenmott, j’arrive. »
« Mais qu’est-ce que tu vas aller foutre là bas ! » « C’est mon équipe, je dois les soutenir ».

Nous y sommes donc allés, à cette guerre où elle pensait être le seul soldat. Une conspiration, voilà ce que c’était. Tous ces sangs purs à l’esprit étroit en avaient fini par en avoir assez que Kat les nargue avec ses moldus à longueur de journée. J’ai moi-même été blessé. Une ridicule cicatrice sur la jambe et qui me nargue chaque jour depuis trois ans. Une explosion, des hurlements, des larmes. Et ma fiancée allongée dans mes bras, les yeux fermés à jamais. Des coupables, un seul fut arrêté. Il pourrit au fond d’un cachot. Et moi, depuis, je suis une larve, une ombre, un fantôme. Voilà.
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