C’est en rentrant dans la salle commune, ce jour-là, que Rosie réalisa qu’elle n’avait jamais été en colère. Certes, elle avait connu de l’agacement ou de l’énervement, mais de l’indignation hurlante comme en ce moment, jamais. Elle parcourut de long en large toute la longueur d’une table, pour ensuite s’arrêter au bout et réaliser qu’elle n’avait pas du tout envie de s’asseoir mais plutôt de frapper quelqu’un en plein dans la figure en lui beuglant que la vie était injuste. Heureusement pour eux, la plupart des gens qui y étaient assis, plutôt perspicaces, s’étaient subtilement éloignés de la demoiselle qui respirait un peu trop fort pour avoir l’air détendue, et celle-ci ne se retrouvait que devant une table lisse pour exulter son mécontentement. Ce qu’elle fit. « Merde ! », lacha-t-elle après y avoir décoché un violent coup de pied. « Bordel de merde ! » Sans se soucier un instant de la nuée de regards intrigués qui se levaient en sa direction, elle quitta la salle d’un pas pesant en direction du dortoir, histoire d’ôter cette stupide tenue de Quidditch couverte de boue. Aussi stupide que ce bordel de capitaine à la noix, qui avec un sourire faussement contrit lui avait annoncé qu’elle ne ferait pas l’équipe cette année. Et qui lui avait annoncé que ce serait Melchior Greyback, oui Melchior Greyback qui lui avait été autrefois si proche, qui prendrait sa place. Tu parles d’une connerie Remplacer la poursuiveuse-phare de l’équipe par un petit nouveau doublé d’un ex-flirt qui n’avait jusqu’alors jamais tenu un souaffle de sa vie! ! « Tout ça, c’est parce que je suis Moldue » songea-t-elle amèrement. « C’est ça qui arrive quand le capitaine est une espèce de sang-pur raciste à la Mykal Malfoy. »

Jamais les tensions et les questions face aux origines n’avait été aussi nombreuses dans le monde de la sorcellerie, et Rosie ne comprenait pas du tout pourquoi. Qu’est-ce que ça leur foutait, peu importe qui le terme "leur" englobait, la nature du sang ? Tant qu’on était capable d’agiter une baguette magique et que ça donne quelque chose, où était le problème ? « Ça, ça s’appelle s’inventer des problèmes » grommela Rosie tout en se changeant. Et c’était on ne peut plus vrai ; n’importe qui qui critiquait les nés-moldus à Poudlard se créait immanquablement un sérieux problème ; un joli problème blond qui se faisait un plaisir de leur faire ravaler leurs paroles. Après avoir remis ses vêtements habituels et s’être débarbouillée, la jeune femme redescendit à la Salle Commune. Elle s’était entre temps fait une idée ; il fallait qu’elle trouve Melchior. Et le fasse changer d’avis. Si elle avait été capable de le faire sur l’importance de son sang, il y a de cela un bout de temps, elle serait assurément capable de le faire là-dessus aussi. Et puis, convaincre est beaucoup plus facile que séduire, et puisqu’à une époque Greyback avait été embobiné par son charme, ça se devait d’être facile. Elle franchit la vaste embrasure avec un port de tête altier et un pas gracieux, essayant de repérer le jeune homme en question ; ce ne fut pas difficile. La nouvelle équipe de Serpentard s’était réunie dans un coin et, à coups d’embrassades et de braillement, célébraient leur sélection. La bouche de Rosie ne put s’empêcher de se tordre d’un rictus amer en les regardant. Tout ça n’était pas normal, oh que non. Elle s’avança en leur direction, sa démarche gracieuse se faisant féline. « Greyback ! » appela-t-elle soudainement. « Tu peux venir (elle se força pour prononcer le dernier mot)… s’il te plaît ? » Elle ne le distinguait même pas à travers le petit groupe maculé de boue…