Les livres. Il y en avait partout. Presque plus que dans la bibliothèque de l'école ! Sur les couvertures, sous l'oreiller, sous le lit, sur la table de nuit, dans la table de nuit, sous le pied de la lampe. C'était comme s'il y avait une muraille de livres tout autour de son lit dans le dortoir qu'elle occupait avec les autres filles. Elle était peut-être dans la maison équivalente à celle de Serdaigle pour les anglais, mais même pour leurs "standards", Calla était une mordue de bouquins hors-norme. On la voyait toujours avec un livre à la main, peu importe l'endroit où on la croisait. Même quand elle mangeait, elle avait un livre. Même quand elle se lavait ! D'ailleurs, un des premiers sorts qu'elle avait appris à lancer, un qu'elle maîtrisait le mieux à force de l'utiliser à longueur de journée, lui permettait de garder ses livres intacts, vierges de toute saleté et humidité. Chose bien importante quand on se baladait perpétuellement avec ces grosses reliures. D'ailleurs, elle marchait toujours un peu penchée sur le côté, à cause du poids de son sac. Elle se fichait bien que tout le monde ne la regarde comme une bête de foire ou presque. Elle aimait les livres, le savoir qu'ils contenaient. Et la solitude ne la dérangeait plus. Depuis toujours, elle aimait rester dans son coin, dans l'ombre et observer les autres. On en apprenait souvent bien plus de cette manière.

Les seuls instants où Calla s'affranchissait de la lecture étaient lorsqu'elle préparait des potions. Depuis sa première année, cette matière était devenue sa favorite. Elle aimait faire des potions. Cela lui rappelait les heures qu'elle passait dans la cuisine avec sa mère avant d'entrer à l'école. Après tout, les potions n'étaient pas bien loin de la cuisine... Elles étaient parfois juste un peu plus mortelles. Mais alors que Calla devenait de plus en plus douée en potions, d'autres questions se soulevaient dans son esprit. Quel ingrédient donnait tel résultat de la potion ? Lequel utilisé, en quelles quantités, avec quel autre, pouvait donner ce type de résultats ? Bien plus qu'apprendre bêtement les recettes sans les comprendre, Calla voulait savoir la signification de chaque ingrédient et leur effet, les contributions à la potion. Comme en cuisine, au final. Le piment donnait un goût épicé. Le beurre permettait d'apporter la matière grasse. Les oignons rouges donnaient un petit goût sucré... Alors Calla se plongeait d'autant plus dans les livres. Pour apprendre, pour comprendre... Peut-être même plus tard pour créer ses propres potions, qui sait ? Mais pour l'instant, ça ne fit que développer son intérêt pour la botanique. Des fleurs magnifiques qu'un simple effleurement pouvait vous conduire à la mort alors que leurs feuilles soulageaient la pire des douleurs. La jeune sorcière était fascinée. Et c'était là le meilleur moyen d'apprendre. Quand on aime quelque chose, il est toujours plus facile de s'y intéresser.

18 ans. La majorité dans la plupart des pays dits civilisés. Pas encore le droit de boire de l'alcool, mais de toute façon, ce n'était pas tant sa tasse de thé. Mais pour Calla, le plus important, avec cet anniversaire, c'était son entrée dans le second cycle, le cycle universitaire. Elle avait réussi ses examens haut la main, loin devant ses camarades de maison. Finalement, la gamine qui avait passé sept ans dans ses livres avait un intérêt particulier. On ne connaissait guère son nom, du moins avant. Elle allait pouvoir rentrer dans le cursus qui lui plaisait : soins aux créatures magiques, et étudier plus en avant les potions et la botanique. C'était tout ce qui lui importait. Rien d'autre. Pourtant, ce passage à l'université changea quelque chose. Plus question d'être une gamine dans son coin, submergée par une tonne de livre. Non, Calla allait se dévoiler au monde, comme un lys éclosant tardivement pour ne pas être dans l'ombre des autres fleurs. Oh, ça ne voulait pas dire qu'elle était devenue une débauchée du jour au lendemain, non. Elle participait juste un peu plus aux fêtes, s'intégrant aux groupes... Pas forcément les bons. Du moins dans les esprits de certaines personnes. Ses professeurs craignaient qu'elle ne se dissipe et mette de côté les cours, mais ça ne se produisit pas, alors ils la laissèrent fréquenter qui elle voulait. Comme s'ils avaient pu l'y interdire, franchement !

— Hector ! Ne cours pas si vite ! — Calla riait alors même que son souffle se faisait court. Hector était plus grand qu'elle, mais il avait également une meilleure condition physique. Il appartenait à une autre maison, celle qui pouvait être l'équivalent de Serpentard à Poudlard. Elle s'entendait bien avec lui. Peut-être un peu trop. — Hé, gamine, accélère un peu ! Sinon on va louper le passage des premières années ! — Un sourire machiavélique s'étendit sur le visage du jeune homme, communicatif. C'était un petit rituel pour lui. Embêter les premières années, leur faire une farce, leur pourrir la première semaine. Il lui tendit la main, qu'elle attrapa pour qu'il la hisse sur le rebord qui courait le long du passage qui menait à l'entrée de l'école. — Aller ! A toi l'honneur ! — Calla éclata de rire et lança un petit sachet en l'air. Il s'ouvrit et répandit une poudre fine, comme de la farine. La jeune sorcière agita sa baguette avec un sourire. Il suffirait que les premières années ne marchent dessus... Ils glisseraient et une fois tombés, la poudre servirait de super-glue. Hector noua son bras autour de la taille de Calla et l'entraina derrière un des piliers. Son souffle chaud sur sa joue, Calla observait le moindre de ses traits alors qu'il guettait l'arrivée des nouveaux. — Nom d'une chauve-souris en boîte ! — marmonna-t-il. — Qu'est-ce qu'il y a ? — J'ai bien peur que ce ne soit pas les premières années à subir notre petit tour en exclusivité... — Calla le repoussa légèrement pour regarder dans la même direction que lui. En effet, un peu plus loin, la colonne de nouveaux était précédée par un de leurs professeurs. Calla se retint d'éclater de rire. Ce serait drôle de voir ce vieux hibou collé au sol, les quatre fers en l'air. Ils risquaient une retenue... S'ils se faisaient prendre. Peu de temps après, ils l'entendirent glisser et pousser une flopée de jurons qui se mêlèrent dans les cris des premières années. Hector et Calla échangèrent un regard avant d'éclater de rire et se mirent à courir vers les serres réservées à la botanique. — Voyous ! Attendez que je vous attrape ! Vous serez collés pendant tout le semestre ! — tonna le professeur... mais les deux étudiants étaient déjà loin.

Les premières années à l'université étaient une bonne rigolade. Comme toute étudiante, Calla en a profité pour s'amuser, pour faire de vilains tours mais pas si méchants que ça. Les années d'après... Disons que Calla, bien que déjà bien impliquée dans les affaires de la famille, s'y intéressa un peu plus. Elle s'éloigna alors un peu des amis qu'elle s'était fait, retrouvant progressivement sa solitude, ou se liant avec les élèves qui étaient liés aux Kirk. Ils formaient un petit groupe qui oeuvrait dans l'ombre. Comme Calla, ils étaient plutôt du genre à observer, à apprendre, étudier. A attendre le bon moment pour frapper. Connaître les petites habitudes de chacun pour mieux les briser. Des petites bêtises qu'elle faisait avec Hector, Calla s'adonnait à quelque chose de plus sombre.

— Tu as encore passé la journée dans les toilettes, Juliet ? — Calla était appuyée contre le mur, juste à la sortie des dites toilettes, les bras croisés. La jeune sorcière sursauta en entendant la voix de la blondinette. Elle se recroquevilla sur elle-même, comme se préparant à recevoir un coup. Mais Calla n'était pas du genre à frapper. Non. Son regard dédaigneux se posa sur la Sang-de-Bourbe. — Tu sais, ça te donne une odeur particulière... — fit-elle en plissant le nez. — Je crois que les garçons préféreraient encore manger des Dragées à la crotte de nez plutôt que de t'approcher à moins de trois mètres. C'est pas le bon plan pour se faire des copains. — Calla se décolla du mur et se mit à tourner lentement autour de la jeune femme. — Encore moins pour obtenir son diplôme... Si tu sèches les cours comme ça. — La sorcière blonde émit un claquement de langue réprobateur. — Tu empestes vraiment, tu sais ! On ferait mieux de te débarrasser de ces vêtements... — L'autre leva un peu la tête, les yeux plein d'espoir. Elle croyait peut-être que Calla allait simplement l'emmener dans son dortoir pour la faire se changer ? Ou jeter un sort pour éliminer l'odeur ? Non. Loin de là. Ce n'était pas l'idée qu'elle avait en tête. Un sourire fendit le visage de Calla et l'autre recula précipitamment mais se heurta au corps d'un des camarades. Elle poussa un petit cri aigu et commença à se débattre mais l'autre ne fit que rire. Calla sortit sa baguette d'un mouvement fluide et les vêtements de la sorcière se volatilisèrent. Le camarade de Calla la lâcha et elle s'étala au sol, se recroquevillant comme elle le pouvait. Tandis que les autres s'éloignaient discrètement, Calla se pencha sur leur pauvre victime. — C'est étrange... L'odeur est toujours là... — Elle passa le bout de sa baguette sur la joue de la sorcière, y laissant une petite entaille rouge d'où perla une petite goutte de sang. — Ah... Voilà donc la source de toute cette puanteur... Comment peux-tu seulement oser te montrer au monde...? — Sa baguette s'illumina brièvement pour lancer un sort douloureux dans les côtes de la victime. Puis Calla se redressa et s'éloigna avec les autres, comme si rien ne s'était passé, laissant la né-moldue seule, recroquevillée par terre dans le couloir.

Quelques mois plus tard, Calla obtenait son diplome de fin d'études. Elle quitta donc l'école de Salem et retourna vivre avec sa famille. Elle se trouva un petit travail chez un botaniste afin de peaufiner ses connaissances aux côtés d'un professionnel. Cependant, elle gardait beaucoup de temps pour sa famille. Pendant ses études, elle était restée à l'écart de leur lutte pour anéantir les traitres qui avaient gagné leur rang, leur propre sang, tout en étant d'accord avec eux... mais aujourd'hui, il était temps qu'elle s'y mette un peu plus. Il y en avait encore deux, à traquer. Et s'ils ne pouvaient pas changer leurs opinions... Ils changeraient leurs méthodes.

— Je vous hais ! Je vous hais ! Vous m'entendez ?! Vous n'avez pas le droit de faire ça ! — Dans l'ombre de la pièce, silencieuse comme les ténèbres qui l'entouraient, Calla observait sa cousine. Ses cheveux collaient à son visage à cause des larmes qui avaient roulé sur ses joues. Ses liens marquaient ses poignets de traces rouges, pourpres et d'un violet sombre. Calla n'avait pas participé à l'enlèvement de sa très chère cousine. Elle était là pour la surveiller, peut-être faire naître en elle une sensation d'être observée, faire grandir la peur. Mais tout ce qu'elle sentait dans la petite brune qui faisait plus jeune que son âge, était une rage qui enflait à chaque jour. Calla n'était pas bien sûre que cette technique était la bonne. Un sortilège d'oubliette aurait été plus judicieux que d'essayer de lui faire changer d'avis. La sorcière était campée sur ses positions, comme sa cousine. Elle savait pourtant que, après le meurtre de sa mère, ça ne marcherait pas comme ça. Même des heures passées dans une pièce noire avec parfois un morceau de bain et du jus de citrouille... Ça n'allait rien changer. Au contraire. Ce n'était pas la bonne manière. Sa cousine se laissa retomber sur le sol froid, le corps tendu à cause des liens qui la forçaient dans une certaine position, inconfortable. Calla observait, muette comme une tombe. Elle ne changerait pas d'avis. Au fur et à mesure que le temps passait, Calla en était persuadée. Ce n'était pas la bonne manière. Elle doutait même qu'il y en ai une. — Je vous tuerai ! Je vous tuerai tous ! Vous n'êtes pas ma famille, vous ne l'avez jamais été ! Allez crever à Azkaban ! — Un sourire en coin se dessina sur le visage de la blondinette. Têtue comme une mule. Après tout, le même sang coulait dans leurs veines, même si Calla voulait l'oublier parfois. Elle ne comprenait pas comment Clara et ses parents avaient pu défendre les moldus et les sang-de-bourbe. Ils n'étaient pas dignes de fouler la terre... ou alors à peine pour être leurs esclaves. Calla longea le mur du fond, faisant attention à ne taper dans rien et quitta la pièce.

Calla se souvenait encore de la scène. Après, elle avait rejoint son père, l'oncle de Clara. Le frère de son père. Elle avait secoué la tête. Ils n'arriveraient à rien. Pourtant, ils la gardèrent encore plusieurs jours. Puis ils changèrent d'endroit, laissant Clara sur place. Quelqu'un viendrait bien la trouver. Peut-être était-ce le but des Kirk, justement. La libérer d'une certaine façon. Faire renaître l'espoir pour mieux le briser. Un sourire flottait sur les lèvres de la sorcière. S'y prendre autrement. Oui. Calla croisa le regard de son père. Il la gratifia d'un hochement de tête et elle quitta la pièce, rejoignant les étages supérieurs. Un peu plus tard, il monta la rejoindre. — Nous avons retrouvé la trace de Clara. Elle s'est inscrite à Poudlard pour finir son cursus universitaire. — Calla haussa un sourcil. Ainsi donc, sa cousine reprenait le cours de sa petite vie bien tranquille. La jeune sorcière savait que Clara avait le même goût qu'elle pour la botanique. Etrangement. Pas pour les mêmes raisons, assurément. Mais peu importait. — Elle ne t'a jamais vue. Jamais entendue. Même quand tu l'observais quand nous l'avions. — Qu'avez-vous en tête, Père ? — Tu vas aller à Poudlard... En tant que professeur... La surveiller. L'étudier. La convaincre d'une façon ou d'une autre... — Bien. — Il y a aussi cette nouvelle maison... Pour les né-moldus... — Marcus Kirk cracha ces derniers mots. Avec un sourire, Calla hocha la tête d'un air entendu. Elle se leva et regagna sa chambre pour préparer ses affaires. Elle allait enfin connaître la grande école de Poudlard.