Imcompréhension
15 septembre 1998

J’étais dans un état de panique. Je savais que j’allais être en retard. C’était la première semaine en ces murs et j’avais déjà deux retards. Comment Jack peut être aussi ponctuel avec tous ces escaliers à prendre? La moindre erreur et je me retrouvais dans une tout autre section de l’école. Je voulais respecter la bonne réputation de mon frère, mais je ne faisais qu’empirer mon dossier. Je n’étais pas une sorcière, je le savais déjà. Tous ces bouquins, ces formules et la baguette. J’avais pris n’importe quoi en fait. Je ne connaissais même pas l’importance des combinaisons. La seule chose de bien que j’arrivais à faire avec ce bâton de bois était de l’échapper dans ces foutus escaliers. J’étais idiote dans cet uniforme. J’essayais de faire comme tout le monde, alors que je savais que cela ne m’intéressait pas. C’était pour cela que j’arrivais en retard. Je n’avais aucune motivation.

Pourquoi j’étais ici? Je n’en savais strictement rien. Je m’étais laissé entrainer dans la vague que mon frère avait créé. Le désir d’être auprès de lui. De l’observer dans ces lectures, d’essayer de comprendre ces formules qui récitaient sans cesse. Et ces potions, j’avais peur du résultat me cachant le visage avant qu’il verse le dernier liquide. À chaque fois, je m’en faisais pour rien, car il avait du talent. C’était fou. Je l’entendais constamment dire des bons résultats et des mentions qu’il avait obtenus. Je voulais en faire autant. J’espérais de voir autant de fierté sur son visage que j’en avais pour lui. Papa aussi était fier nous voyant marcher la première fois ensemble vers le train. Oui, je voulais rester avec lui, le suivre partout, simplement pour me sentir bien.

C’était difficile en fait. Jack prenait cela au sérieux, alors que moi, je prenais ces cours à la légère. Je sentais que ma présence lui était nuisible. Je me résiliais à le laisser tranquille dans sa chambre. Je ne dirais pas que mon frère me laissait de côté. Non, il était toujours présent quand j’en avais besoin de lui. Seulement, j’avais du mal à le laisser étudier. À le laisser vivre sa vie, car j’ignorais quelle serait la mienne.

« Dépêchez-vous, mesdemoiselles! Les cours vont commencer… »

J’avais marre. On était constamment surveillé; même dans la salle de bain. J’essayais de réajuster cette foutue toge. Je me retrouvais encore seule à me battre avec un long morceau de tissu. Je récupérais mes livres et ma baguette qui étaient encore tombés de ma poche.

« Sniff… Snifff… »

Je m’arrêtais d’un coup. Je croyais qu’il s’agissait d’un des monstres que les plus vieux nous avaient racontés à notre entrée. Je sortais maladroitement ma baguette de ma poche et je serrais mes livres.

« Sniff… Bouuuh »

Non, un monstre ne pleure pas. C’était peut-être cette fille fantôme qui hantait la salle de bain. Jack m’en avait parlé. Je m’approchais des pleurs tranquillement. Elle venait d’une des cabines. Celle du fond. Je relâchais toute la pression quand j’ai vu deux pieds tendus. C’était une jeune fille…

J’osais m’approcher et je cognais :

« Salut, euh… est-ce que ça va? »

« Snifff… Laisse-moi tranquille! Va-t-en! »

Je reconnaissais la voix. Elle était dans ma classe. Cette fille toujours en avant et prête à répondre aux questions. Une fille que je respecte ayant autant de connaissance pour son âge. Aussi, elle était très belle dans sa tenue de Serdaigle. Ces longs cheveux blonds et ces yeux bleus. Par contre, je n’avais pas autant d’admiration de sa part parce que je dérangeais constamment le cours. Je n’arrivais pas à répondre aux questions ou je tentais de comprendre la matière en posant de multiples questions.

« Je ne voulais pas te brusquer… Je veux juste t’aider. »

« … Tu… tu ne peux pas m’aider… Va-t-en! »

« Tu en es sûr?...Au pire, je peux aller demander à un prof… »

« Non! Ne va chercher personne! »

« Bon, alors, explique-moi… Tu ne pourras pas rester là toute ta vie. »

« C’est… c’est humiliant… Va à ton cour. »

« Hey! On est entre filles et je suis déjà en retard, alors qu’est-ce que ça change ?… »

J’entendais alors le claquement de la barre de fermeture de la porte. Elle s’ouvrait tranquillement. Je parvenais à peine à voir son visage. Elle était gênée et honteuse se cachant dans la noirceur. Sa posture semblait être inconfortable. Je tentais de comprendre sans poser la question :

« Qu’est-ce... Qu’est-ce qui se passe? »

« Je… J’ai… J’ai fait une hémorragie… »

Une hémorragie? Je venais de comprendre. Une chose tout à fait normale pour une fille de notre âge. On se transforme. On devient femme. J’avais déjà conscience de toutes ces fatalités féminines. Nous étions très ouverts sur le sujet à la maison. J’avais toutes les questions inimaginables et mon père les avait tous répondus avec la plus grande honnêteté. Contrairement à la majorité des parents, mon père avait cette aisance de nous entretenir sur la sexualité. Nous sommes plus conscients de notre corps et de nos besoins en sachant comment les combler. Je me rendais compte que ce n’est pas donné à tout le monde. Bien des filles de mon âge ignoraient le vocabulaire sexuel. Mon père dû expliqué à bien des mères de la garderie que j’avais apprise ces mots selon sa volonté, mais qu’il avait négligé de m’apprendre à me taire.

Pourtant, qu’elle méconnaisse autant cette étape me surprenait.

« Ce n’est pas une hémorragie. Tu es menstrues, c’est tout. »

« Je ne voulais pas, tu sais… »

« C’est normal. Cela veut dire que tu as franchies le capte de la puberté. Ton corps est en train de se transformer. »

« Ouais, mais qu’est-ce que je vais faire? Je ne peux pas me promener comme cela. Je suis… »

« Tu as taché ta culotte et tes vêtements ? Ce n’est pas grave. Cela se lave, tu sais. Un peu de lait et voilà. Pour l’instant, on va rincer tout cela… Donne-moi tes vêtements tachés. »

« Ça ne va pas la tête?! Tu ne vas quand même pas… »

« Veux-tu mon aide, oui ou non? J’ai des vêtements de rechange et des tampons. Du sang, ça ne me fait pas peur… »

Elle ignorait comment utiliser un tampon. J’avais dû lui expliquer avant qu’elle enfile mes vêtements. L’eau effaçait tranquillement ces taches…

« Merci, Coleen… C’est vraiment gentil. J’avais tellement honte. »

« Il ne faut pas. C’est normal. Cela fait partie de nous. On peut ne rien y faire. Enfin, cela me pardonnera pour tous les cours que je t’embêtais. »

Je sortais son pantalon du lavabo. Complètement trempé, mais propre. Un sourire sur ces lèvres.

« Voilà. Tu vois… Il ne faut pas s’en faire… »

« Merci, Coleen! »

Elle posait ses lèvres roses sur ma joue droite en entourant ces bras autour de mon cou. Je souris à cette affection qu’elle venait de me donner. C’était agréable. Très agréable. Je trouvais déjà cette fille très belle, très intelligente et cette attention était un élément de plus. J’osais la regarder dans les yeux gardant mon doux sourire. Il y avait ce pantalon mouillé qui nous séparait, mais ça m’importait peu. Ce silence qui suivait provoquait une tension. Elle ne bougeait pas ne comprenant pas mon changement d’attitude. Mon visage s’approchait très bien du sien. Je frôlais tendrement son nez contre le mien. Mes yeux fermés, je tendais mes lèvres pour les presser contre les siennes…

Le pantalon tombait d’un coup. Je l’avais lâché, car je venais de perdre l’équilibre. Elle m’avait poussée.

« Merde Coleen! Qu’est-ce qui te prend? »

« Ohhhh, je…désolé. Je croyais… »

« Je voulais juste te remercier! Je ne suis pas une gouine, moi! T’en ai une???? »

« Mesdemoiselles! Vous n’êtes pas en cours? »

Elle était déjà en train de ramasser ces vêtements mouillés tandis que je regardais la superviseure. Elle me fuyait, comme une maladie. J’étais offusquée et blessée. Décidément, elle ne connaissait rien, rien d’essentiel.

« Non, il y a eu un incident… »

« Mais ça va, maintenant! Je ne veux pas rester ici, avec elle… »

Cela n’avait pas pris de temps. En moins d’une journée, je sentais les regards sur moi. On venait de m’étiqueter. Pourtant, je suis la même personne. En fin de compte, je ne suis pas si idiote que cela… Il y en a des pires.



Dernière édition par Coleen H. Eastell le Jeu 20 Jan - 6:22, édité 7 fois