C'était une nuit comme on en voit beaucoup à cette époque de l'année, au Royaume Unis. Le ciel était couvert d'épais nuages qui, crachant leurs éclairs les plus aveuglants, dissimulaient la lune et les étoiles à la perfection. Comme emportée par le grondement des cieux, une pluie torrentielle s'abattait sur le Wiltshire et ne semblait pas avoir la moindre intention de s'amenuiser. Dans ce chaos de précipitations, se tenait un imposant manoir qui n'inspirait pas plus de confiance que les intempéries dont il était victime. À l'intérieur, dans la grande salle, deux silhouettes venaient de faire leur entrée par la cheminée, encerclées par des flammes de couleur verte.

Un rire puissant traversa le silence de mort de la pièce, et tandis que tous les yeux se rivèrent l'émetteur de ce rire, à mi-chemin entre le sombre grognement d'un animal et l'effrayant hurlement d'un homme noyé dans l'alcool, des elfes de maison vinrent débarrasser les nouveaux arrivants de leurs capes. Il s'agissait d'un sorcier et, à en juger par la similarité frappante de leurs visages, de son jeune fils. Un garçon pas plus âgé que celui qui était déjà attablé -neuf ans tout au plus. D'un léger mais sec coup donné dans le dos, l'homme fit comprendre à l'enfant qu'il fallait avancer, et ce dernier s'exécuta sans broncher. Le sourire qui dépassait de la large capuche du sorcier en bout de table, se voulait pourtant accueillant, mais ne mit pas en confiance le plus jeune. Son visage ne trahit pas une once d'étirement de lèvres. Il se déplaça dans un calme olympien pour rejoindre avec son père la place qui leur était due, laissant le loisir aux autres de les toiser tour à tour. Il savait parfaitement la raison de sa présence en ces lieux. Tout comme à ses soeurs, son père lui avait déjà fait la leçon à maintes reprises.

« Je me réjouis de vous voir enfin ! Nous avons bien failli ne pas vous attendre. »

« Nous vous présentons toutes nos excuses, Maître. Mais le ministère... »

« Je me fiche de tes excuses, Theodore ! Assieds-toi. »

Theodore avala sa salive rapidement avant de prendre place. C'était un homme fier, cela on ne pouvait le lui retirer... Pourtant face à Tom Jedusor il n'avait rien de plus que ses confrères, et cela, le mage ne manquait jamais de le lui rappeler. Il jeta un oeil à son fils qui osait à peine lever la tête avant de murmurer quelques mots à son oreille.

« Allons, ne me fais pas honte. Redresse-toi et prends note. »

Les mangemorts retirèrent leurs capuches un à un, dévoilant à leur tour leurs visages, leurs identités aux autres. Un elfe fit entrer une femme qui donnait l'impression d'avoir été ligotée par une corde invisible. Elle hurlait à l'aide, elle implorait la pitié. Mais déjà son sort était scellé. À la minute même où elle avait vu le jour il l'avait été. Elle ne sortait plus du manoir. Plus vivante, en tous cas. Le souffle de Zephyrien, qui venait de comprendre ce qui se tramait, s'accéléra soudainement, tant et si bien que son intense respiration vint jusqu'aux oreilles de son père. Il prit brusquement sa main sous la table, et la serra plus fort que jamais.

« Reste calme, c'en est bientôt fini. »

Theodore comprenait parfaitement ce qu'il ressentait, la peur et la panique qui pouvaient le prendre. Lui aussi l'avait vécu jadis, sa première expérience, et pour cela il savait que ce n'était qu'une mauvaise passe qui le conduirait à ce qui ferait parti intégrante de son quotidien.