Le jeune homme pencha la tête à l'approche de la belle aux cheveux d'or, qui vint se jeter sur lui. « Salut, moucheronne. Je t'ai manqué? » Les yeux de la jeune femme lancèrent des éclairs, pourtant amusée, il était vrai qu'elle semblait bien petite aux côtés de la silhouette élancée qui se tenait à ses côtés. C'était la première fois depuis l'été après la deuxième année à Poudlard qu'ils ne passaient pas les vacances estivales ensemble, et le simple fait de revoir la jeune femme permit à Zadig de se dire avec une réelle certitude que tout irait bien. « C'que tu crois, idiot!! Tu ne pars plus jamais aussi longtemps, tu sais combien ta tête m'a manqué?! »

Il lui jeta un regard en coin, avec la pensée qu'au fond, ils étaient le reflet de l'autre en ce sens que tous deux venaient à peine de "réintégrer" leurs familles respectives. Tous deux avaient temporairement été exclus par leurs familles, parce que le premier s'était fiancé à une moldue et parce que la seconde était sa meilleure amie et prenait conséquemment sa défense. La source du conflit était cependant décédée dans un terrible accident automobile, et tout était bien ... décrétaient les Etheridge, famille de sorciers irlandais, ainsi que les MacDraw, ceux-ci d'Ecosse.

Sang de Bourbe. Le terme dégoutait Zadig. La jeune femme qu'il avait aimée était pourtant la plus belle, la plus délicate de toutes les fleurs, la plus férocement indépendante aussi, et si intelligente. Il avait payé bien cher le prix de quelques mois de bonheur, anéanti par la rage et l'impuissance alors qu'elle mourait, incapable de l'aider. Zadig ne pouvait cependant s'empêcher de se poser la légitime question: était-ce bien un accident? Il le pouvait enfin, des mois plus tard, après avoir reçu l'absolution, le Pardon, après avoir compris qu'il n'était pas responsable de sa mort. Mais, en vérité, que s'était-il passé en cette nuit? Il ne le saurait jamais.

La connaissance de cette vérité précise lui était interdite, mais pas les autres. Savant jeune homme, Zadig prit sa place, à sa manière: il avait décidé de se faire admettre au cursus de sécurité magique. Il se souvenait encore de l'entrevue passée, une simple formalité, lui avait-on assuré. Albus Dumbledore, l'avait accueilli dans son bureau. Pour terminer, le sorcier ne lui avait posé qu'une dernière question, sur la couleur de ses chaussettes, à laquelle Zadig avait répondu en laissant entendre l'un de ses rires, si beaux mais si rares:: « A vrai dire, professeur, l'une est rouge, l'autre mauve. Laquelle préférez-vous? »

Angela eut un bref aperçu d'un homme extrêmement gras (sûrement, ce n'était pas celui que son amie avait mentionné?) et d'un autre musclé mais qui paraissait petit à côté. Puis, une troisième silhouette s'encadra dans l'entrée, à contre-jour devant la lampe fixée sur le mur du couloir. Zadig, eut-elle le temps de se rappeler. Il s'appelle Zadig. Le meilleur ami. Puis, elle ne put que le contempler.

Toute sa vie, Zadig Lysandre Etheridge avait eu cet effet sur autrui. Appuyé au mur d'une longue main dont on pouvait deviner la dextérité à distance, le sombre jeune homme se laissa aller contre l'embrasure et accepta le salut de quelques connaissances présentes dans l'établissement tout en les examinant les uns après les autres. Tandis que son regard perçant fouillait la salle à la recherche de celle qu'il venait voir, Angela fut à même, au bout d'un moment, d'isoler quelques unes de ses qualités: la silhouette puissante mais gracieuse, les pommettes hautes dans le visage souligné d'une mâchoire toute en angles, la bouche fine et expressive, pour l'instant languide et amusée, les yeux .... les yeux très sombres du jeune homme à l'expression cynique et moqueuse. Il était difficile de deviner son âge: à peu près le même que le mien, estima la jeune femme.

« Encore en retard, Etheridge », fit Lucè en s’essayant à une moue déçue. Le sourire qui ornait déjà le visage amusé du jeune homme s’étira davantage. « Ah mais je serais en retard si toi aussi tu étais arrivée à l’heure. Mais tu n’arrives jamais à l’heure, seulement désespérément en avance, et donc tous les autres sont constamment en retard. » Son regard, qui s’était fait sérieux pour la forme, ne pouvait s’empêcher de pétiller joyeusement. Sa meilleure amie rit avant de l’attirer dans ses bras pour l’étouffer à moitié. « Tu ne devrais pas défier ton père comme tu le fais en ce moment, Zadig. C’est une raison bien trop triviale … » Le bel Anglais l'arrêta. « Des conseils, encore? Déjà, pas même après le premier verre? Rien ne te changera jamais, Lucè. Il y a des raisons, des raisons… », continua-t-il sans préciser. Son amie la plus chère renifla d’un air dubitatif. « J’en doute », répliqua-t-elle en repoussant derrière son oreille une longue mèche de cheveux blonds. « Rien d’autre que la perversité et les vins du Sud. ». Zadig lui sourit et fit un semblant de courbette en lui levant son verre. « Deux excellentes raisons », acquiesça-t-il en vidant le contenu de celui-ci. Ils s'étaient donné rendez-vous dans un bar moldu, qu'ils aimaient tous deux fréquenter a l'occasion. L'amie de Lucè était elle-meme moldue. La jeune femme se rappela Angela qui attendait patiemment, battant la mesure de la musique du menton et sirotant l’alcool qu’elle avait à la main. Avant que Lucè n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit pour faire les présentations afin de limiter les potentiels dégâts dont elle savait son meilleur ami capable auprès d’une tierce partie au physique aussi admirable, celui-ci vit la jeune femme qui se tenait discrètement à leurs côtés.

« Lucè, tu m’as amené une pêche à croquer. » Il s’avança alors, dans l’éclat soudain jeté par les lumières sur la couronne formée par la masse quelque peu désordonnée de ses cheveux et, prenant la main d’Angela, y déposa un baiser. La jeune femme, que ni son caractère ni son milieu d’origine n’avaient prédisposée à supporter ce genre de comportement sans réagir, ne ménagea pas le bel homme, peu importe sa musculature, la beauté de ses cheveux, ou de ses yeux … ou de son sourire presque contrit d’amusement devant l’air furieux qu’elle lui présentait. « Êtes-vous toujours aussi grossier? » demanda-t-elle lorsqu’il se redressa. Il n’y avait aucune trace de chaleur dans sa voix et dans ses yeux. Cela n’arrêta qu’un instant Zadig, qui répondit aimablement, et en souriant : « Presque toujours. J’ai cependant quelques qualités pour me racheter, bien que je n’arrive jamais à me rappeler lesquelles. » Ne jetant même pas un coup d’œil vers sa meilleure amie, il poursuivit. « Je parie que Lucè est en train de secouer la tête derrière mon dos avec une tragique désapprobation. » Ce qui se trouvait être vrai. Il se retourna vers sa meilleure amie aux sourcils froncés. « Eh bien, dans ce cas, je suppose que je suis censé présenter des excuses, maintenant? » Il eut un sourire malicieux devant l’acquiescement muet de Lucè et se tourna de nouveau vers Angela.

« Je suis désolé. Le soleil, le vin, une longue journée de dur labeur. Votre figure est irréprochable, et vous avez certainement eu à faire à pire que moi. Soyez magnanime. » C’était bien tiré, il fallait l’admettre. Angela, quelque peu surprise, se trouva seulement capable de hocher la tête. Sa réaction réussit à provoquer un autre sourire d’une sublime ironie. Elle rougit, irritée de nouveau. Quelques minutes plus tard, elle marchait pour revenir chez elle, seule. Ses avancées furieuses étaient démenties par la rougeur de ses joues et son sourire en coin, rêveur.

Luce soupira. « Ta conduite est détestable, Zadig, et tu le sais. » L'interpellé leva les yeux au ciel. « Arrête-moi ça Lucè, ne me pousse pas à bout. J’ai présenté des excuses, rends-moi justice. » Elle sourit et fit mine de le frapper sur le bras. « Je sais bien que tu ne marcheras jamais au pas, Max’. Mais je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter pour toi. » Le regard qu’elle lui portait n’était plus agacé, ni même impatient. Il était d’une douceur infinie, pour cet être complexe qu’elle chérissait depuis toujours. Sourire en coin, il la prit par la taille et, mine de détendre l’atmosphère qui s’était soudain épaissie, il lui jeta un regard qui démentit toute la scène qui venait de se dérouler. « Je te paie un verre? »